L’option de l’alternance pour les étudiants en journalisme : « En fait, on a besoin de thunes »

Aux Assises du journalisme de Tours, la présence de plusieurs promotions d’étudiants en journalisme prouve bien l’intérêt de la profession pour la formation. Santé mentale des jeunes, insertion pro, carte de presse des journalistes en formation : tous ces sujets ont été abordés dans les nombreuses conférences qui constituent la programmation dense de ce rassemblement. Mais en matière de formation, la tendance est à l’apprentissage, qui séduit de plus en plus d’étudiants.

« Une bouteille d’huile, maintenant c’est 15 euros ! ». Une étudiante du CUEJ, qui participe également au conseil d’administration de son école, invective des responsables de formation en journalisme dans une salle quasi-vide, alors que les Assises de journalisme de Tours battent leur plein. Face à elle, Pascal Guénée, président de la CEJ, qui anime la table-ronde sur les objectifs des écoles de journalisme pour les Etats généraux de l’information, Arnaud Schwartz, directeur de l’IJBA (Bordeaux) et Corinne Vanmerris, directrice adjointe de l’ESJ Lille.

Pour la jeune journaliste en formation, l’argent est le nerf de la guerre, quand on parle d’alternance, ce n’est pas pour s’assurer une meilleure employabilité que les étudiants se tournent vers l’apprentissage : « En fait on a besoin de thunes, quasiment toutes les écoles sont en centre-ville », s’exclame-t-elle.

Valentine (nom d’emprunt), étudiante boursière, s’est retrouvée dans une école qui ne propose pas d’apprentissage : « Je suis échelon six (N.D.L.R. : le deuxième plus haut niveau d’aide financière possible) mais je serais clairement beaucoup mieux financièrement avec une alternance », regrette-t-elle. Elle évoque également le rythme scolaire des masters de journalisme : « On n’a pas d’horaires fixes, on finit régulièrement très tard, ce n’est pas possible de travailler à côté, à part si on veut faire un burn-out ».

« Mon premier moteur a été économique »

Pour Camille, qui arrive bientôt au bout de son parcours de formation en apprentissage à l’université Lyon 2, « Si l’alternance peut être un tremplin pour ensuite accéder à des rédactions, mon premier moteur a été économique » . « Je touche 1200 euros, je n’ai plus à penser à comment je vais finir le mois » raconte-t-elle, « Ça m’a aussi permis de me spécialiser », poursuit la journaliste en formation, qui travaille au sein d’un magazine écolo.

La question de la santé mentale est aussi abordée aux Assises : « Les étudiants nous disent que c’est un métier-passion, mais ça ne veut pas dire qu’ils peuvent accepter n’importe quelles conditions de travail » rapporte Arnaud Schwartz. « Le métier-passion n’excuse pas tout », renchérit Pascal Guénée.

« Malheureusement, certains apprentis ne se voient pas confier des tâches valorisantes »

Arnaud Schwartz, directeur de l’IJBA

À l’ESJ Lille, des mesures ont été prises pour réduire la charge de travail des étudiants : « On a essayé de voir si on ne pouvait pas rassembler des enseignements qui visaient les mêmes objectifs pédagogiques ».

« Malheureusement, certains apprentis ne se voient pas confier des tâches valorisantes » déplore le directeur de l’établissement bordelais, « Ils se retrouvent à faire du desk et regrettent de ne pas aller sur le terrain ».

Corinne Vanmerris rappelle régulièrement aux étudiants que l’alternance n’offre pas une employabilité supérieure en fin de formation : « Ce n’est pas le critère principal pour se dire qu’on fait une alternance ou non » explique-t-elle, « À l’ESJ Lille, nous ne voyons pas de différence significative dans nos statistiques ». Pour autant, elle constate « une forme de maturité par rapport au monde du travail, forcément, quand vous avez passé un an dans une rédaction, vous avez les codes, les clés ».

Simon Gadras, responsable du master Journalisme de l’Université Lyon 2, explique que le choix d’ouvrir la possibilité de l’alternance dans la formation qu’il dirige est d’abord inspiré « d’une appétence des étudiants, des candidats qui demandaient à pouvoir être en apprentissage ». « C’est contraignant sur les questions d’organisation d’ouvrir l’alternance, on perd en souplesse », raconte-t-il, « On y réfléchit à deux fois avant de le faire ».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.