Vue extérieur sur un logement avec plusieurs appartements

Des initiatives se créent face à la crise du marché locatif. (Crédit : Sigmund - Unsplash)

Cohabitation Solidaire : Une alternative pour les étudiants face à la crise du logement

Les grandes agglomérations françaises font face à un marché locatif saturé. Les étudiants sont en première ligne et se tournent de plus en plus vers des alternatives, à l’instar de la cohabitation solidaire. 

Dans un entretien publié dans Le Monde le 9 octobre, le nouveau ministre délégué au Logement Patrice Vergriete a reconnu « une urgence » à agir en faveur du logement pour les étudiants. Le marché locatif, en particulier dans les grandes villes, est en pleine crise. L’offre se raréfie et les prix grimpent : à Lyon, les logements disponibles en location ont chuté de 6% et le loyer médian est monté de 7%. Une situation que constatent les professionnels. 

Dans son agence AVAY Immobilier de Lyon, Chantal Hery observe un marché locatif particulièrement tendu et une offre réduite à peau de chagrin : «il y a de moins en moins d’offres et de plus en plus de logements sortent du marché. La réglementation sur les DPE (les fameuses « passoires énergétiques »), le plafonnement des loyers qui mine la rentabilité, les charges qui explosent… beaucoup de propriétaires se découragent ».

Une situation dégradée, en particulier concernant les petites surfaces prisées par les étudiants et les jeunes travailleurs. Chantal Hery s’appuie sur l’exemple d’un petit T2 dans le 7e arrondissement de Lyon. En deux jours, l’agence reçoit près de 90 demandes. Sur les 34 dossiers déposés, 21 concernent des étudiants. 

L’agent immobilier évoque également la réticence des propriétaires à louer leurs biens à des étudiants. « Ce sont pourtant des dossiers sûrs, avec peu de problèmes de paiement et la possibilité de cumuler les garanties. Mais ils ont peur des fêtes et surtout du turnover. Chaque changement de locataire coûte des honoraires, alors les cursus scolaires courts ne sont pas toujours retenus », explique-t-elle.

Des solutions aux airs de fausses-bonnes idées

Pour pallier à la crise, la Métropole expérimente depuis novembre 2021 l’encadrement des loyers à Lyon et à Villeurbanne. Une initiative qui a des atouts de fausse bonne idée d’après Christelle, agent immobilier. « Avec l’encadrement des loyers, beaucoup de propriétaires passent sous leur seuil de rentabilité, constate-t-elle. Il ne faut pas tous les imaginer comme des rentiers fortunés : pour beaucoup, c’est un investissement, avec un emprunt et des charges qui ne cessent de gonfler. Alors, ils vendent et certaines surfaces ne reviennent plus dans le parc locatif. » 

« J’ai cherché pendant plus de trois mois sans que ça ne donne rien. Je suis passé par une annonce sur Instagram parce que les moyens normaux ne fonctionnent pas, tout est bouché. » 

Gabriel, 22 ans

Une situation qui pèse sur les étudiants, pour qui la recherche d’un logement ressemble de plus en plus à un parcours du combattant. Gabriel, 22 ans, raconte : « j’ai cherché pendant plus de trois mois sans que ça ne donne rien. Je suis passé par une annonce sur Instagram parce que les moyens normaux ne fonctionnent pas, tout est bouché. Je me retrouve avec une petite surface pas donnée et mal isolée ». Il dit vouloir déménager cette année mais craindre de faire chou blanc. Même constat pour Mathilde, fraîchement débarquée à Lyon pour ses études. Elle a squatté le canapé d’une copine pendant plus d’un mois après avoir fait sa rentrée. Elle s’est résignée à « prendre n’importe quoi », quitte à payer un loyer excessif : « c’est trop cher pour ce que c’est, mais je n’avais plus de solution ». 

Faire le pari de la solidarité 

Bien que le ministre délégué au Logement Patrice Vergriete ait confié travailler sur plusieurs axes pour aider les étudiants au journal Le Monde, la crise amplifie. Il se tourne alors vers des alternatives. Depuis quelques mois, la Métropole de Lyon a lancé une campagne de communication autour de la cohabitation solidaire. Deux associations sont à l’honneur : Tim et Colette et Le Pari Solidaire.

Fondé en 2004 par Corinne Pasquier-Belot, Le Pari Solidaire propose à des jeunes de loger chez une personne de plus de 60 ans en échange d’un loyer modéré, d’une participation aux charges ou d’un engagement de présence. La mission est double d’après Marie Gourion, co-directrice de l’association : « il s’agit de pallier à la carence de logement pour les jeunes et de lutter contre l’isolement ». 

Pour Djibril, étudiant en journalisme à Lyon, Le Pari Solidaire est apparu en solution idéale : « j’avais un petit budget, pas de garants, pas de nationalité française… la situation était impossible ». Pendant huit mois, il loge chez Danielle. « C’est agréable d’avoir quelqu’un avec qui discuter le soir, relate-t-il. On est resté en contact quand je suis parti, elle répond à chaque fois que je l’appelle et ça me fait plaisir de prendre de ses nouvelles. C’est une rencontre qui compte. » Avec les aides au logement, Djibril s’en tire pour 80 euros par mois. Lorsqu’il est allé poursuivre ses études à Valence, l’étudiant a réitéré l’expérience de la cohabitation intergénérationnelle. 

L’initiative permet à des jeunes, particulièrement vulnérables face à la crise, de trouver une solution. D’après Marie Gourion, « près d’un tiers des logés sont d’origine étrangère, avec 22 nationalités différentes l’an dernier. C’est aussi une solution pour les étudiants en stage ou en alternance qui doivent cumuler deux loyers et qui cherchent une convention courte à moindre coût. » En plus de sa dimension humaine et économique, la solution revêt aussi un aspect écologique avec un partage énergétique et l’optimisation d’espaces vacants.

Sur l’année écoulée, Tim et Colette et Le Pari Solidaire cumulent environ 800 demandes pour 150 jeunes logés. La principale difficulté est de trouver des hébergeurs. « Nous recevons beaucoup de demandes et aimerions pouvoir accéder à chacune d’elles, détaille Marie Gourion. L’enjeu pour nous est de communiquer et de bien faire comprendre le projet. L’intérêt ne doit pas uniquement être financier, parce que c’est une relation qui doit reposer sur le partage et sur l’échange. »

Hugo BACHELET-HEYCHE

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.