Panier de courses alimentaires.

Panier de courses alimentaires. Crédit (Pixabay)

Précarité étudiante : Au cœur d’une distribution Linkee

Chaque mardi, des centaines d’étudiants lyonnais se réunissent en file indienne, cabas à la main. Ils attendent patiemment de récupérer un panier alimentaire fourni par Linkee, une association française luttant contre la précarité et le gaspillage de nourriture. Reportage. 

La longue attente des bénéficiaires

« L’attente est interminable, mais ça vaut le coup si l’on veut s’alimenter correctement »

Candice, étudiante en sociologie

Rue Jaboulay, à Lyon, le soleil vient à peine de se coucher, pourtant certains étudiants patientent depuis 1 heure. « La distribution commence à 19 heures, mais j’aime venir tôt, pour être servi le plus rapidement possible » explique Maxime. Certains passants s’étonnent, en rigolant, « la queue va jusque rue Chevreul, presque 500 mètres plus loin. » On dirait bien que Linkee est victime de son succès. Fondée en 2016, l’association s’est lancée en région parisienne afin de lutter contre le gaspillage alimentaire. Aujourd’hui, elle est présente dans plus de 7 villes françaises, allant de Lille à Montpellier. Peu de rires sont audibles dans la file d’attente, qui se déroule sur plus de trois rues, réservée exclusivement aux étudiants. Ces jeunes gens, allant de 17 à 25 ans, sont pour la plupart, en situation de précarité. Selon une étude récente, réalisée par l’association, 92% des interrogés vivent avec moins de 1000€ par mois. « Pour patienter, je viens avec une copine, mais ce soir elle n’est pas là, c’est beaucoup moins drôle » murmure Sarah, également étudiante à l’université lyonnaise. D’autres s’affairent depuis 18 heures : la fourmilière de bénévoles. « Ce soir, nous sommes une vingtaine et nous avons plus de 450 personnes à servir » mentionne Alicia. Elle rajoute fièrement « je suis là depuis l’ouverture de Linkee à Lyon, c’était en février 2023. » 

Un capharnaüm organisé 

Une demi-heure après l’arrivée des volontaires, la musique résonne dans le local de la Maison des Étudiants. Les vingt personnes s’agitent dans un capharnaüm organisé. Le camion, rempli de denrées alimentaires, avait du retard à cause des bouchons, rapporte un bénévole. De là s’enchaîne une longue file où s’échangent, de bras en bras, les aliments et quelques rires. Au menu ce soir, des légumes de saison récupérés dans des marchés grossistes comme des courgettes ou du fenouil, des conserves et des fruits. Quelques clémentines arrivent à s’échapper du cageot et roulent par terre. Les bénévoles installent les aliments sur des petites tables blanches, chacun sera responsable de distribuer sa propre cagette. « Si nous recevons 1 000 carottes, alors chaque bénéficiaire pourra en recevoir 2, puisque ce soir, nous avons 500 inscrits » indique Edgard, responsable de Linkee à Lyon. Initialement, l’organisme récupère les invendus des commerces pour ensuite les redistribuer à des organismes telle que l’Armée du Salut.

« Depuis 2020, pendant la crise du COVID, nous avons commencé à réaliser des distributions pour les étudiants ayant des difficultés pour se nourrir. Depuis, on n’a plus jamais arrêté »

Edgar, responsable Linkee à Lyon

Selon une étude produite par l’association, en 2022, il y avait plus d’un million de personnes en études supérieures en situation de précarité. Depuis le début de l’année 2023, le chiffre a doublé. « En juin, déjà un million d’étudiants avaient des difficultés pour se nourrir » rapporte-t-il. Une étudiante colombienne évoque timidement : « En lisant les journaux dans mon pays, je ne croyais pas à la précarité française, à présent, j’y fais face. La situation est vraiment pesante. »

« On essaye avec nos moyens de lutter contre le cercle vicieux de la précarité »

Les premiers étudiants commencent à rentrer dans le local aménagé pour la soirée. Comme premier aliment, les bénéficiaires ont le choix entre différentes sauces Heinz. « On a réussi à obtenir un partenariat avec cette marque » indique Edgar fièrement. Linkee France a actuellement plus de 200 marques collaboratrices qui donnent des aliments. Chloé et Candice, étudiantes à Lyon 2, repartent les bras remplis, le cœur également. « Cela permet de faire un complément et de manger des légumes, il y a souvent des féculents et même des surprises » raconte Chloé. Ce soir, et comme chaque mardi, les étudiants vont partir avec un sac entre 5 et 7 kilogrammes selon les arrivages. « On essaye, avec nos moyens, de lutter contre le cercle vicieux de la précarité. C’est pour cela qu’on veille à ce que le premier arrivé soit servi exactement comme le dernier de la file » indique Edgar. Puis, il désigne le sac de carottes présenté au début. « Il en restera sûrement à la fin de la distribution, on s’en servira pour celle de jeudi à Villeurbanne » sourit malicieusement le jeune homme. Puis, nos yeux s’attardent sur deux bénévoles qui s’élancent tenant, d’une main, une théière fumante, de l’autre, des petits gâteaux. « On ne va tout de même pas laisser les étudiants dans le froid sans rien pour les réchauffer. »

Mélodie Le Cam 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.