Vue d'un sous-bois ensoleillé

Le parc de la Tête d'Or (Lyon) est un exemple de biodiversité en milieu urbain. (Crédit : Lukasz Szmigiel - Unsplash)

Journée de la biodiversité à Lyon : Plongée au cœur du vivant 

Le 10 décembre 2023, le parc de la Tête-d’Or de Lyon accueillait la journée de la biodiversité. L’occasion de découvrir la richesse du vivant et de rappeler l’importance de la sensibilisation du public pour la préservation des espèces. 

Une pluie s’épanche entre les arbres et les fourrés, elle décourage les promeneurs et la plupart des joggeurs. Les girafes s’abritent sous un (très) haut préau, le carrousel tourne à vide : les allées du parc de la Tête-d’Or, poumon vert de la ville de Lyon, semblent tristes comme au lendemain d’une rupture. 

Un petit groupe en K-Way et bottines de randonnées affronte pourtant le mauvais temps. Il se masse dans la petite cour de la ferme Jaurès, une annexe du parc zoologique. Le 10 décembre, quatre associations étaient rassemblées à la Tête-d’Or pour proposer des activités de sensibilisation autour de la biodiversité. Chacun des participants a reçu un mail ce matin : en dépit des averses, la journée Plongée au Cœur de la Biodiversité urbaine est maintenue.

L’observation de la nature

Fabrice, de Lyon Nature, le service pédagogique de la ville en charge de l’environnement, était accompagné de David et Quentin, membres de l’association Des Espèces Parmi’Lyon. Pendant une heure et demie, les trois naturalistes promèneront un petit groupe dans le sous-bois. L’objectif est d’observer les oiseaux, les insectes mais aussi quelques-uns des 8 300 arbres du parc. « Cette sortie, c’est l’occasion de voir l’environnement qui nous entoure sous un autre jour », explique Fabrice. Il invite d’un geste à lever les yeux sur un petit oiseau haut perché : « il arrive d’entendre des tronçonneuses dans le parc : parfois, c’est en fait un étourneau qui imite les bruits qu’elle entend ». 

Quentin Brunelle est co-fondateur de l’association Des Espèces Parmi’Lyon (DEPL). Créée en 2015, elle regroupe de jeunes naturalistes qui œuvrent en faveur de la biodiversité. « Nous participons au recensement des espèces, à la sensibilisation du public mais nous menons aussi des actions concrètes » détaille Quentin. L’un des projets phare, Gabiodiv’, installe le long des berges lyonnaises des modules de végétalisme pour que des espèces y trouvent refuge. C’est la première fois que DEPL collabore avec Lyon Nature. 

« Nous participons au recensement des espèces, à la sensibilisation du public mais nous menons aussi des actions concrètes. »

Quentin Brunelle, co-fondateur et directeur Des Espèces Parmi’Lyon

La promenade est rythmée par les espèces rencontrées et les explications des naturalistes. Un voyage dans le monde, la science mais aussi l’Histoire. Le groupe déambule dans le parc et se laisse guider par la rencontre avec les espèces. Cet arbre-ci, un if d’Irlande, contient une molécule à partir de laquelle est développé un traitement contre certains cancers. « C’est aussi à lui que nous devons notre défaite lors de la guerre de Cent Ans : les arcs anglais, taillés en if, étaient nettement supérieurs aux nôtres. » David prélève une petite plante, « nourriture favorite des diplodocus, fut un temps ». Ici à gauche, l’Oranger des Osages tire son nom d’une tribu amérindienne qui utilisait sa sève ocre comme peinture de guerre. Aménagé au milieu du XIXe siècle, le parc est un florilège de biodiversité du fait de son ancienneté.  

Alice, retraitée, retranchée derrière la capuche de son ciré bleu, raconte : « je viens chaque semaine au parc et même en étant passionnée par la nature. Je ne le verrai plus du même œil ! » Et en effet, ce qui frappe au fil des commentaires des guides, c’est la richesse et l’étonnement qui se dissimule dans le plus banal des buissons. Quentin soulève une vieille souche et retourne un peu d’humus : un escargot carnivore, un champignon hallucinogène, un insecte préhistorique… Il égraine une dizaine d’espèces et résume : « voilà tout ce qu’on trouve sous une bûche ».  

La sensibilisation, pierre angulaire de la protection du vivant

D’après les naturalistes, l’aménagement urbain est un enjeu fondamental. « Il est important de laisser de l’espace à la végétation, surtout en zone urbaine », développe Fabrice. Il poursuit : « la concurrence entre les individus est essentielle : pour mille glands, un seul chêne parvient à maturité. Sans cette compétition, les pousses sont chétives. Cela requiert de l’espace ». Pour David et Quentin, la nature trouve facilement son équilibre, il faut simplement lui laisser « du temps, de la place et ne pas intervenir à tort et à travers. Elle souffre davantage de la méconnaissance que de la malveillance ». 

C’est en effet la mission principale de la journée : sensibiliser le public et lui donner l’opportunité de mieux connaître son environnement. C’est ce qui a motivé Marie à venir avec son fils Oscar, sept ans et un petit Kodak jetable entre les mains : « c’est important qu’il comprenne et qu’il soit sensible à l’écologie dès maintenant. C’est aussi les générations à venir qui vont agir ».  

« La biodiversité souffre davantage de la méconnaissance que de la malveillance. »

Quentin Brunelle

L’équipe de DEPL est consciente que la protection du vivant passe par sensibilisation du public. C’est le cœur du projet Picbiodiv’ : impliquer les Lyonnais pour agir à leur échelle. Le principe est de faire découvrir aux citoyens la richesse naturelle locale à travers des visites commentées de leur quartier. En participant au développement d’un regard critique et sensible sur leur environnement direct, DEPL veut encourager les habitants à agir et à participer à des initiatives citoyennes ou à devenir bénévole. 

Le groupe s’arrête sur un petit pont et observe un groupe de plongeurs. C’est Odysseus 3.1, une autre association présente ce jour là sur le site, en charge du microbiome aquatique. D’après eux, la quasi-totalité des individus dans le lac appartient à des espèces exotiques invasives, souvent relâchés volontairement dans l’eau. « Il suffit d’un humain pour bousiller l’ensemble d’un écosystème » déplore Fabrice. Pour les naturalistes, la préservation de la biodiversité tient à peu : « parfois, il vaut mieux ne rien faire que de faire quelque chose sans savoir. Il faut juste comprendre ».

Hugo BACHELET-HEYCHE

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.