Amazon près de Lyon, le bras de fer entre la multinationale et les écologistes

Le 30 octobre 2023, le Conseil d’État a autorisé le projet d’implantation d’une plateforme géante de la multinationale Amazon aux abords de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry. Les associations écologistes et la ville de Lyon regrettent cette décision, en décalage avec la politique menée sur le territoire.

« C’est enfin fini », soupire Pierre Marmonier, maire de Colombier-Saugnieu dans le Rhône. Cet élu sans étiquette politique attendait avec impatience, le 30 octobre 2023, la décision du Conseil d’État sur l’implantation d’un local Amazon sur sa commune. Depuis 2017, le projet était en pause. 160 000m2 de plateforme logistique, sur trois niveaux, devraient alors pouvoir sortir de terre au sud de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry. « Ce sera très certainement le plus grand entrepôt Amazon de France », souligne Pierre Marmonier.

Le tribunal administratif a décrété que le projet était compatible avec le Plan local d’urbanisme (PLU)
et qu’il n’entravait pas l’activité de l’aéroport. Il a aussi rejeté les arguments des associations écologistes
et de la ville de Lyon.


« 1000 camions en plus par jour »

Augmentation du trafic routier, artificialisation des sols, danger pour la biodiversité… voilà les raisons
pour lesquelles des associations lyonnaises comme Fracture s’opposent à l’implantation de la
multinationale. « On devrait avoir 1000 camions en plus par jour, donc ça veut dire plus de pollution et
plus de nuisances sonores
», déplore Gilles Renevier, président de l’association. Il soulève également
une « absurdité » dans le choix du lieu de construction. L’entrepôt devrait s’implanter au sud de
l’aéroport, un site qui intègre le Plan de protection de l’atmosphère. Ce dispositif impose aux
communes environnantes d’abaisser leur niveau de pollution.


Construire un local Amazon, qui plus est, le plus grand de France, n’est pas du goût des associations écologistes ni de la ville de Lyon qui ne cachent pas leur mécontentement. Dans un article de nos confrères·sœurs d’Actu Lyon, la ville dit regretter une décision « qui va contribuer à accentuer toujours plus la part de la vente en ligne (+12% en 5 ans selon une dernière enquête) au détriment des
commerces déjà fragilisés par la conjoncture économique, mais aussi à favoriser une économie déshumanisée qui va à l’encontre de ce que souhaite promouvoir la Ville de Lyon, à savoir une économie de la proximité, du lien social, ancrée sur son territoire
».


Jusqu’à présent, la métropole de Lyon n’a pas souhaité s’exprimer officiellement sur le sujet mais elle
partage tout de même la cause défendue. « Nous n’avons pas voulu spécialement nous emparer du
sujet puisque Colombier-Saugnieu ne fait pas partie du territoire métropolitain. Mais nous sommes
déçus de la décision du Conseil d’Etat qui autorise un projet qui va à l’encontre des enjeux
environnementaux », confie Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président de la métropole de Lyon chargé du
climat, de l’énergie et de la réduction de la publicité.


« Jusqu’à 1500 emplois créés »

Le maire de Colombier-Saugnieu ne voit pas d’un même œil l’arrivée d’Amazon sur sa commune. « Les
associations écologistes sont parfaitement dans leur rôle lorsqu’elles s’opposent à ce projet. Mais je
tiens à dire que là où l’entrepôt va être construit, une partie est déjà bétonisée, et pour le reste le sol
est déjà préparé pour ce type de construction
», explique-t-il. De plus, le chiffre de 1000 camions est
selon lui « exagéré » et qu’il devrait concerner seulement quelques moments dans l’année comme Noël
ou le Black Friday.

La commune compte avant tout profiter des avantages économiques liés à l’arrivée d’une telle
multinationale. Amazon prévoit la création de 1000 à 1500 emplois. « On va continuer à gagner en
dynamisme, comme lorsque l’aéroport fut construit. Beaucoup de gens veulent venir habiter ici pour
l’ensemble des services qui sont proposés
», remarque fièrement Marmonier. Des logements et de
nouvelles voiries vont également devoir être créés en conséquence. La commune pourra également
récupérer d’importantes taxes d’aménagement et de foncier.


Une histoire judiciaire et politique qui dure

En 2017, la société Goodman France propose un projet ambitieux à la commune de Colombier-
Saugnieu : construire la plus grande plateforme Amazon de France. L’entreprise de Jeff Bezos souhaite avoir un pied à terre conséquent sur la région lyonnaise afin de stocker et de distribuer ses
marchandises aux entrepôts subsidiaires du territoire.


Un arrêté du mois d’octobre 2018 autorise la société à construire cette plateforme. En face, un collectif
d’associations écologistes se forme (Fracture, les Amis de la Terre, Dernière Rénovation, Alternatiba…)
pour dire « non » au projet. Il dépose un recours auprès de la justice avançant plusieurs arguments sur
l’impact environnemental d’une telle construction.


En 2020, la ville de Lyon, par l’intermédiaire de Grégory Doucet, apporte son soutien. Il déclare
« s’associer au combat » et joint sa signature au recours. Sur la même période, une action de
désobéissance civile, intitulée « Bloc Friday », est organisée devant l’entrepôt Amazon de Saint-Priest.
Les travaux n’ont jamais pu démarrer, bloqués judiciairement et politiquement, jusqu’à la décision du
Conseil d’Etat le 30 octobre dernier. Cette décision marque la fin des recours possibles auprès de la
justice française.


Vers des actions de désobéissances civiles

Le projet ayant été mis en pause durant 6 ans, les discussions doivent reprendre entre la société
Goodman France, la région, le département et la commune de Colombier-Saugnieu. Aucune date de
début des travaux n’a encore été fixée mais Pierre Marmonier espère que la plateforme aura vu le jour avant 2028.


Du côté des opposants au projet, les associations écologistes ont d’ores et déjà annoncé qu’elles
allaient saisir la Cour de justice de l’Union européenne. Et si cela ne suffisait pas, elles pourraient mener
des actions de désobéissances civiles similaires à celle organisée à Saint-Priest.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.