Avec le politologue Guillaume Gourgues : la démocratie participative à la française, « c’est de l’animation socio-culturelle »

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

La démocratie locale, à vocation plus directe, est souvent prônée comme le moyen de revitaliser la démocratie en France et de remobiliser le sentiment citoyen. Pourtant, les dispositifs de participation rencontrent la même lassitude que les élections.

Espoir déçu, les dispositifs locaux de participation sont touchés par les mêmes phénomènes que le vote des représentants. Ce sont les mêmes catégories sociales qui participent, mais pour beaucoup d’entre eux c’est surtout qu’ils courent après leurs participants. « Il n’y a pas une demande sociale évidente, ni pour les conseils de quartier, ni pour les budgets participatifs, on retrouve la même désaffection populaire que pour les élections ». Guillaume Gourgues est chercheur au sein du laboratoire Triangle sur les sujets de  participation et de politisation. Pour lui, en plus d’être très coûteux en temps et en disponibilité, les dispositifs participatifs sont pensés à partir des besoins des commanditaires. On consulte les citoyens à partir des préoccupations des autorités locales sans leur donner un vrai pouvoir de décision.

Surtout, la place de l’initiative citoyenne dans ces dispositifs est quasiment inexistante. Les élus se servent juste de la délibération pour donner une légitimité à des décisions déjà prises : « Parfois oui, mais souvent cela sert même juste à faire de l’animation socio-culturelle ». Cela donne donc un dialogue de sourds. On laisse croire aux citoyens qu’ils peuvent participer, mais les conclusions ont une portée marginale sur le processus de décision.

Face à la défiance qu’ils rencontrent, les élus prennent conscience du fait qu’il faut faire participer davantage, mais peu d’entre eux sont prêts à remettre en cause leur monopole sur la définition de l’intérêt général. C’est pourquoi c’est ressenti comme de simples coups de com’.

« Ils veulent faire de leur commune une vitrine de la participation citoyenne »

Dans les mairies écolo des grandes villes conquises en 2020, le thème de la démocratie participative est plus abordé qu’ailleurs. Le problème, c’est que, comme les autres, ils pensent en termes d’offre de participation, c’est toujours très vertical. « On multiplie les dispositifs les uns à côté des autres. Il y a des effets d’annonce, les élus en parlent, mais ensuite les dispositifs ont du mal à être popularisés ».

Le conseil consultatif Covid à Lyon a été lancé à l’automne 2020 dans l’idée de faire de la démocratie autour de la gestion de la crise sanitaire. « Cela a beaucoup été un enjeu de positionnement des écolos entre eux, Lyon ne voulant pas faire moins bien que Grenoble ou Bordeaux ». C’est aussi une manière de marquer sa différence par rapport à la gestion de crise du gouvernement national. La participation citoyenne est alors souvent utilisée pour faire de la pure politique politicienne. Bon élève, la ville de Lyon a reçu pour cette initiative le Trophée de la participation et de la concertation 2021, une belle récompense à exposer dans la vitrine.

A-t-on bien compris l’idée de budget participatif ?

L’idée de faire décider par les citoyens d’une partie du budget d’une ville est née à Porto Alegre au début des années 90. À l’origine, pour faire remonter les priorités des habitants des quartiers pauvres de la ville, et permettre au gouvernement municipal d’imposer des politiques de justice sociale aux conservateurs.  Aujourd’hui, les budgets participatifs en France ne fonctionnent pas du tout comme ça : « On demande aux gens de faire des projets, et comme ça demande des ressources, c’est toujours les mêmes qui les portent pour leur quartier ». On retrouve donc les aménagements urbains dans les zones les plus gentrifiées. « C’est souvent une grande foire aux projets mais sans aucun objectif de redistribution ». Ce type de budget pour des aménagements d’ampleur modeste est le modèle privilégié par les communes. On peut pourtant imaginer que des projets plus ambitieux seraient plus mobilisateurs, quand la participation aux budgets participatifs est de 8% en moyenne.

Les grandes villes s’y mettent les unes après les autres. Le nombre de budgets participatifs a été multiplié par quatre ces trois dernières années, selon l’enquête annuelle de lesbudgetsparticipatifs.fr. Ils émergent surtout dans les villes de plus de 100 000 habitants et très peu dans les territoires ruraux. Ce sont donc les un français sur cinq les plus proches des centres-villes qui sont concernés. Si leur nombre augmente, le montant des budgets mis à disposition des citoyens a tendance à stagner, ils ne progressent pas depuis 2019, avec 6,5 euros par habitant en moyenne.

Repenser la démocratie locale.

Il y a en France un vrai problème de démocratie locale. Révélée par Médiapart, l’affaire Gaël Perdriaux, maire de Saint-Etienne aux méthodes mafieuses, en est un grave symptôme. Pour Guillaume Gourgues, il y a tout de même une nouvelle génération d’élus « qui ont le souci de ne pas se considérer comme dépositaires du pouvoir ». Conscients d’avoir été désignés dans un contexte de forte abstention, ils se posent la question de leur légitimité de manière sincère, et affichent une véritable volonté de faire participer. « Il n’y a pas qu’une volonté de consulter pour se donner une bonne image, mais les manières sont très difficiles à trouver ».

Trouver une culture de la démocratie directe n’est pas chose aisée, et les moyens restent à découvrir. « Tous les dispositifs qui vont dans le sens d’une réintégration des initiatives citoyenne, des capacités d’interpellation envers les élus me semblent aller dans le bon sens. Il faut avant tout faire de la participation un levier pour que les gens puissent revendiquer des choses et défendre leurs droits ».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.