Les robots-journalistes attaquent la sphère médiatique

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L’arrivée des robots-journalistes sur le marché médiatique ouvre des horizons fous et fait rêver les médias. Cependant, ces nouvelles technologies (r)éveillent aussi des craintes de la part des journalistes eux-mêmes quant à l’avenir du métier.

« Depuis des décennies, dans le monde, des ouvriers découvrent un beau matin qu’ils vont être remplacés par un robot. Si les journalistes se croyaient à l’abri de ce genre de mésaventure, ils avaient tort » écrivait un journaliste du quotidien Le Monde en 2010. L’article présentait « The Machine », auteur de brèves sur les résultats des matchs de baseball motorisé par une intelligence artificielle nommée « Stats Monkey ». Six ans plus tard, ceux qu’on appelle, à tort, les robots-journalistes se sont multipliés de façon impressionnante dans les rédactions. En France, le phénomène a éclaté au grand jour lors des élections régionales de décembre dernier. Le Monde a utilisé ces rédacteurs artificiels pour publier des petits articles sur les résultats de 36 000 communes. France Bleu, Le Parisien ou encore L’Express ont aussi profité de ce service proposé par la société Syllabs.

Si le terme « robot » n’est pas adapté, c’est qu’il encourage à penser qu’il s’agit d’éléments physiquement palpables, alors que ce ne sont que des algorithmes. Ces derniers doivent être préparés par un journaliste : la machine sera ensuite en mesure de trouver, d’analyser et de replacer les données dans un article. Ils produisent en quelques instants un travail qui nécessiterait l’intervention d’une armada de journalistes. L’intérêt est alors évident « si les brèves sont rédigées par des algorithmes, le journaliste pourra travailler sur autre chose : se concentrer sur ses investigations, aller sur le terrain, renforcer ses enquêtes » expliquait Jean-Gabriel Ganascia, expert en intelligence artificielle au journal Libération.

L’arrivée de ces rédacteurs ultra-performants suscite des craintes. Dans un avenir proche, les chances qu’ils remplacent les journalistes sont infinitésimales, car ils ne pensent pas encore. « Pour l’instant, aucun robot n’est capable de prendre la place totale des journalistes. Le journaliste choisit ses sujets, réfléchit. Un algorithme ne le peut pas » rassure Jean-Gabriel Ganascia. L’occasion est belle pour rappeler ce qui fait d’un journaliste un bon journaliste. Il croise ses sources, fait le lien entre les informations, va chercher l’information et est réceptif aux émotions. Pour le moment, le panel de compétences des rédacteurs virtuels n’est pas assez large pour qu’ils traitent autre chose que du factuel. À terme, la question se posera peut-être, mais le problème dépassera alors largement le monde du journalisme.

La sphère médiatique est déjà saturée par l’actualité en temps réel qui pousse les acteurs du journalisme à tous publier le même article dans la même seconde. Le développement de ces algorithmes va provoquer un tsunami de contenus absolument similaires. L’overdose d’informations se rapproche. La diversité, déjà mise à mal avec internet, risque d’être balayée par la vague. De plus, dès aujourd’hui le site MétaMédia de France Télévision s’interroge sur l’éthique de cette pratique. La provenance des données utilisées par les algorithmes par exemple. De même, la responsabilité de l’auteur doit aussi être questionnée. Comme le souligne Eric Scherer, directeur de la prospective à France-Télévision, en cas d’article polémique, un simple « c’est la faute de l’ordi » risque fortement de ne pas suffire. Les enjeux de telles innovations s’imposent donc déjà aux acteurs médiatiques et ils devraient s’accentuer avec le développement de ces technologies. Il se peut qu’un jour, le terme robot-journaliste ne soit plus usurpé.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.