De l’investigation au mook, il n’y a qu’un pas…et il est belge

médorPrès de deux ans se sont écoulés entre son annonce et sa publication :  le tant attendu premier numéro du mook belge Médor a désormais sa place en librairie depuis décembre 2015 et fait l’effet d’une véritable bombe au sein de la société belge. Car Médor n’est pas un mook comme les autres. Entre sérieuses enquêtes de terrain, investigation locale et nationale, c’est le premier média belge indépendant de ce type, et il n’a pas fini de faire parler de lui.

Annoncé pour le 25 novembre 2015, Médor a failli ne jamais voir le jour, alors qu’il a mobilisé une équipe de 19 journalistes pendant deux ans. Poursuivi en justice avant même sa parution, Médor dérange. Qui ? La société pharmaceutique liégeoise Mithra, qui a souhaité interdire la publication et la diffusion d’un article dont elle faisait objet, comme portant « gravement atteinte à la réputation de l’entreprise ». Mais ne pouvant pas interdire la publication d’un article, au risque d’être accusé de censure, le tribunal belge a, au final donné raison à la rédaction de Médor. Reporté seulement d’une dizaine de jours, le trimestriel paraît finalement début décembre, et les lecteurs, eux, découvrent enfin le contenu de ce mook (contraction du mot magazine et de l’anglais book) novateur : enquêtes culturelles, politiques ou encore sportives, et ce, sur un territoire strictement belge.

Du journalisme contre-système

En plus de vouloir être la première à se lancer dans le journalisme d’investigation locale en Belgique, la rédaction de Médor souhaite aussi changer les pratiques journalistiques pour le bien-être de ses journalistes. Elle propose entre autres de payer les piges deux fois plus que les tarifs recommandés par l’Association des journalistes professionnels belges, ou encore de laisser tout le temps nécessaire à ses journalistes pour réaliser les enquêtes, sans jamais faire pression. Une moyenne de 22 jours d’investigation est actuellement nécessaire aux journalistes de Médor pour la réalisation de leurs sujets : « notre arrivée est un peu le révélateur des difficultés de la presse belge : course à la rentabilité, précarité, manque de temps… Un titre spécialisé dans le deep journalism manquait dans le paysage belge » affirme David Leloup, l’un des fondateurs de Médor.

L’Indépendance est aussi une valeur phare de cette rédaction pas comme les autres. Une indépendance qui se retrouve tout d’abord dans le financement même du projet : pour le lancer, la rédaction a fait appel en 2014 à ses futurs lecteurs par le biais d’une collecte participative via le site KissKissBankBank.fr. Pour l’équipe rédactionnelle, la liberté de la presse et des journalistes passe surtout par la liberté financière. Donc très peu de publicité et pas du tout de patron de presse pour Médor, mais plutôt une coopérative de lecteurs qui, en participant financièrement au développement du magazine, participe aussi à la réalisation des sujets sur le terrain. Une indépendance et une liberté qui passe surtout par les logiciels utilisés par la rédaction : « Médor construit une plateforme de publication […] développée sous licence libre et proposée à tous les médias qui, comme Médor, basculent leurs pratiques et écosystèmes » confirme le site web. Alors, révolution journalistique belge ou pure utopie ? Avant de le savoir, le second numéro de Médor est, lui, prévu pour mars.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.