Vue de la salle de l'exposition consacrée à l'œuvre européenne d'Elliott Erwitt. La scénographie est épurée.

La rétrospective Elliott Erwitt se tient à la Sucrière (Lyon) du 21 octobre au 17 mars 2024. (Crédit : Mélodie Le Cam)

Rétrospective Elliott Erwitt, l’humanité sur négatifs

Du 21 octobre au 17 mars 2024, La Sucrière de Lyon accueille la rétrospective consacrée au photographe Elliott Erwitt. Des enfants, des chiens, des plages… les quelque 215 clichés de l’exposition recomposent l’humour, l’humanité et la spontanéité de l’artiste. 

Une lourde pluie écrase les trois silos de La Sucrière. Cette ancienne friche industrielle du sud de Lyon a été réhabilitée au début des années 2000 en un lieu qui se veut arty et festif. Dans le hall, le compte-personnes des vigiles résonne dans une ambiance de cathédrale. 

À l’étage, nous sommes reçus par Isabelle Benoit, commissaire de la rétrospective consacrée au photographe franco-américain Elliott Erwitt. Précise et élégante, elle présente l’exposition à un petit parterre de journalistes. I. Benoit prévient d’emblée : ce type de visite guidée est tout à fait contraire à l’esprit d’Erwitt, lui qui racontait que “le but de prendre des photos est de ne pas avoir à expliquer les choses avec des mots.” D’ailleurs, les œuvres ne sont pas accompagnées de cartels explicatifs, simplement d’un titre, s’il en est. 

Raconter la vie d’Elliott Erwitt est une gageure, tant elle est riche et mobile. Né à Paris, il grandit à Milan et passe la majeure partie de sa vie à New-York. Très jeune, il intègre la célèbre agence Magnum Photos, dont il accède à la présidence à la fin des années 60. En 80 ans de carrière, il est l’un des photographes les plus importants du XXe siècle : 600 milles négatifs, mais aussi une quarantaine d’ouvrages, des films pour le cinéma et pour la télévision… La rétrospective est la plus grande exposition jamais dédiée à l’artiste. Une scénographie classique, voire franchement simpliste, tente de dégager à partir de plus de 200 clichés les traits distinctifs d’Erwitt : l’humour, la tendresse, l’humanisme surtout. 

Saisir le quotidien

Les visiteurs, d’âges et d’apparences aussi éclectiques que les travaux d’Erwitt, déambulent entre les tirages dans une ambiance feutrée. Certains ont un gros téléphone rivé au creux de l’oreille : c’est l’audio-guide qui commente une quarantaine d’œuvres. On entend ici et là des surprises : “oh, mais je la connais cette photo !” et autres : “je ne savais pas qu’elles étaient toutes du même monsieur.” L’œuvre du photographe frappe en effet par sa familiarité. Comme cette chanson que l’on reconnaît aux premières notes sans pourtant n’en avoir jamais su le titre, chacun identifie bon nombre des œuvres du photographe sans les associer à Elliott Erwitt.  

Cette proximité, Isabelle Benoit l’explique : “Erwitt est un photographe du quotidien. C’est pour cela qu’il a été repéré très tôt par Magnum : il saisit les interactions les plus naturelles et communes entre les gens, entre les choses. Il sait s’adresser au public.” D’ailleurs, le photographe garde un œil sur les présentations de son travail et maintient le lien avec avec le public. À 95 ans, c’est lui qui a décidé du parcours de l’expo. 

“Erwitt saisit les interactions les plus naturelles et communes entre les gens, entre les choses. Il sait s’adresser au public.”

Isabelle Benoit, commissaire de l’exposition

Les œuvres sont organisées par grands thèmes, de l’amour aux chiens, des villes à la plage en passant par les enfants ou les femmes. Le tracé de l’exposition traduit la souplesse d’un artiste capable de traiter un sujet de mille façons. Les tirages en noir et blanc, plus personnels et plus connus, sont séparés des images en couleur, essentiellement des travaux de commandes.

Au fil des différentes salles, on apprécie la drôlerie et le sentiment de liberté qui émanent des clichés. Tenons en pour preuve une astuce d’E.E. : en utilisant un petit klaxon, il gagne le rire et la surprise de ses sujets, imprimant ainsi sur le négatif une incoercible spontanéité. La connivence que parvient à créer Erwitt se traduit par l’absence de hiérarchie entre les sujets. L’exposition ne met pas plus en avant Marilyn Monroe qu’un bambin parisien ou qu’une mouette accrochée au ciel de Rio. 

Un artiste tendre

Une salle semble retenir davantage l’attention du public. Les chiens occupent une place singulière dans l’œuvre du photographe. Isabelle Benoit précise qu’ils “concentrent la tendresse de l’artiste et sa notoriété. C’est une partie spéciale de l’exposition.” 

La visite, d’une heure environ, prend fin avec un dernier espace dédié au cinéma. La moquette façon tapis rouge accompagne les visiteurs jusqu’au piège de fin de circuit, la boutique. Les teckels en résine et les petits carnets se négocient aux supplications enfantines. Deux enfants obtiennent gain de cause. Les parents achètent la paix. 

La simplicité et l’humour du photographe sont à (re)-découvrir du 21 octobre au 17 mars 2024, moyennant, tout de même, 16,50 € par adulte et 11,50 par enfant. 

Hugo BACEHELET-HEYCHE 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.