« Zéro artificialisation nette » : dans le Rhône, la loi divise toujours les élus

Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez, a fait savoir qu’il refuserait d’appliquer la loi ZAN. La métropole de Lyon continue, elle, de désartificialiser ses 59 communes. De leur côté, les maires du Rhône ne sont pas unanimes sur la question.

« J’ai décidé que la région se retirait du processus ». Ce sont les mots controversés tenus sur la loi ZAN par Laurent Wauquiez, le 30 septembre dernier, lors du congrès de l’Association des maires ruraux de France. Inscrite dans la loi Climat et Résilience votée le 22 août 2021, le ZAN continue de faire débat au sein des élus des collectivités territoriales du Rhône. 

La loi portant sur le Zéro artificialisation nette (ZAN) fixe comme objectif national d’atteindre en 2050 le solde zéro entre l’artificialisation et la renaturation des espaces naturels, agricoles et forestiers ; aussi appelés « espaces NAF ». Une étape intermédiaire a été inscrite pour 2030 consistant à réduire de 50% le rythme d’artificialisation des sols par rapport aux espaces consommés entre 2011 et 2021.

Les élus de droite reprochent à la loi de bloquer des projets environnementaux, d’être inapplicable en raison des délais fixés et de ne pas assez considérer la diversité des territoires. De l’autre côté de l’échiquier politique, on souligne son caractère « nécessaire » et « vertueux » pour faire face à l’urgence climatique.

Une loi qui repense la fonction des sols

Tous les dix ans un département français est bétonisé. C’est sur ce constat que naît la notion de ZAN en 2018, lors de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité. En 2020, la Convention citoyenne sur le climat fait de la lutte contre l’artificialisation des sols une proposition politique. Un an après, la loi ZAN est votée par les parlementaires.

Une longue discussion a donc été organisée pour considérer les sols comme un enjeu climatique majeur. « Les sols ont une valeur au sens agronomique, en captant le carbone, en préservant et en rechargeant les nappes phréatiques », souligne Béatrice Vessiller, Vice-présidente de la Métropole de Lyon à l’urbanisme et au cadre de vie. Sur ses 59 communes, la métropole préserve les sols en utilisant deux méthodes différentes. La première consiste à optimiser le foncier artificialisé pour les nouveaux projets d’urbanisme. Par exemple, en agrandissant les parkings existants en hauteur. Dans un second temps, elle revégétalise ses espaces publics comme à Oullins où quatre hectares de terrain vont être désartificialisés. 

Mais cet engouement pour le ZAN n’est pas partagé par tous. « Ce n’est pas une loi environnementaliste », alerte Nicolas Varigny, Vice-président du Sepal et de la Communauté de Communes du Pays de l’Ozon (CCPO). Le Sepal supervise le Schéma de cohérence territoriale (SCoT) de l’agglomération lyonnaise. Ce schéma a notamment pour principe une cohérence politique en matière de mixité sociale et de préservation de l’environnement d’un territoire. Nicolas Varigny estime que cette lutte contre l’artificialisation des sols, qui est à distinguer de la bétonisation, peut amener les maires à être empêchés de réaliser des projets environnementaux. « C’est une loi qui nous interdit de créer des parcs urbains, des îlots de fraîcheur, des pistes cyclables… », précise-t-il.

Une loi jugée inapplicable par certains

Depuis son adoption, la loi ZAN fait débat auprès des élus locaux, débat qui va même jusqu’à pousser l’Assemblée nationale a rediscuter le texte et voter le 13 juillet 2023 des dispositions plus précises. Néanmoins, des critiques persistent.  « Comment voulez-vous que l’on applique cette loi alors qu’on n’arrive pas à se mettre d’accord sur les espaces consommés entre 2011 et 2021 ? », s’insurge Nicolas Varigny. Il mentionne également des échéances trop courtes pour appliquer la loi. « On va obtenir la révision des SCoT en 2026 alors que la loi nous demande de réduire le rythme d’artificialisation depuis 2021 », dit-il.

D’autres élus peuvent partager ce constat même si l’enjeu climatique reste primordial. « La démarche ZAN aura un impact sur ma commune mais il faut savoir ce que l’on veut », reconnaît Guillaume Arnold, maire de Sourcieux-les-Mines. Même si la loi ne touche pas encore sa commune d’environ 2000 habitants, il se prépare d’ores et déjà à repenser ses projets d’urbanisme avec des maisons jumelées, des terrains moins importants… La loi ZAN doit néanmoins être une question « d’équilibre » selon lui, « où des villes comme Roanne, Vichy ou encore le Puy-en-Velay mériteraient d’être développées contrairement à la métropole de Lyon ».

Laurent Wauquiez maintient sa position 

Au cours du dernier conseil régional, le potentiel candidat LR à la présidentielle de 2027 a réaffirmé son rejet de la loi ZAN en distinguant une triple absurdité anti-démocratique, technocratique, agricole et industrielle. « On n’a pas besoin de déclaration populiste. C’est une proposition citoyenne qui a été portée à l’Assemblée nationale, votée et qui se doit d’être respectée », lui rétorque le maire de Sourcieux-les-Mines. Au contraire, Nicolas Varigny, le Vice-président de la CCPO salue le courage de dire « stop » à un projet qui ne respecte pas l’identité des territoires. 

La région avait pourtant déjà initié une démarche pour que ce soient les SCoT qui définissent les objectifs de baisse d’artificialisation des sols. Mais suite à la déclaration de Laurent Wauquiez, les discussions entre les collectivités territoriales sont mises à l’arrêt. Une conférence prévue au mois de novembre a notamment été annulée. « Il a une vision très négative et très binaire, où la ruralité s’opposerait à la ville, ce qui empêche la coopération entre les territoires. La loi n’est pas ruralicide, elle est ruralophile », déclare l’élue écologiste Béatrice Vessiller.

Il reste moins d’un an à la région pour fournir son SRADDET, de quoi lui laisser le temps pour rouvrir les concertations avec la métropole et avec l’ensemble des autres collectivités territoriales du Rhône.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.