Critique : « Saltburn », le nouveau film choc d’Amazon Prime

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, écrit, relu et corrigé par les élèves, en autonomie

Après des premières années compliquées, Prime s’offre un film audacieux. La réalisatrice de Promising Young Woman nous présente une œuvre militante sur la lutte des classes sous forme de Teen Movie poussé à l’extrême. Saltburn, un thriller psychologique qui ne laisse pas indifférent.

Un film attendu

Avant même sa sortie sur la plateforme de Jeff Bezos, Saltburn avait de quoi intriguer. Après le film Promise Young Woman et la saison 2 de la série Killing Eve, Emerald Fennell renforce sérieusement sa réputation de jeune prodige d’Hollywood. Produit par Lucky Sharp, la société de production de Margot Robbie, le film est floqué d’un casting intéressant, il était donc attendu au tournant.

Un scénario militant mais loin d’être original

Avec autant d’attente, il était inévitable qu’une véritable communauté se forme autour du film. Depuis plusieurs semaines, on peut régulièrement le voir défiler dans le top 10 Amazon prime. Malgré des retours globalement positifs de la part du public, un bouche-à-oreille important, surtout sur la plateforme TikTok, et une publicité appuyée, le film divise la presse et certains fans plus exigeants.

Et ici aussi le film peine sérieusement à convaincre. Malgré une photographie unique en son genre où chaque plan ressemble à un tableau travaillé fourmillant de détails, les 2h10 du film dérangent par son scénario réchauffé. Utilisant souvent des procédés déjà vus ailleurs et avec bien plus de maitrise, Saltburn s’inscrit finalement comme une œuvre engagée parmi tant d’autres sans véritablement inscrire sa marque.

Pour le synopsis, rien de neuf non plus. On nous compte l’histoire d’Oliver (interprété par l’hypnotisant Barry Keoghan), un étudiant boursier qui s’infiltre dans la vie d’une famille aristocratique anglaise. Il se lie d’amitié avec le fils prodige à qui tout réussit, Felix Catton, interprété par Jacob Elordi vu notamment dans Euphoria ou Priscilla, et déclenche par la même occasion une série de drames sanglants.

Le problème principal de Saltburn : tout est attendu. L’histoire racontée est usée et donc prévisible. La réalisatrice travestit avec une mise en scène remarquable un film convenu qui court derrière les classiques du genre à l’instar de Parasite de Boog Joon Ho. L’œuvre ne réussit pas à se démarquer d’une quelconque façon. En somme, le public préfèrera toujours la copie à l’original.

Vous l’aurez compris, le fond de l’histoire réside dans une relecture cynique et incisive de l’archétype typique du pauvre et du riche. Ici tout le monde en prend pour son grade. Oliver est montré comme un monstre manipulateur tandis que Felix et sa famille bourgeoise sont montrés comme bêtes et hypocrites, loin de se rendre compte de leur situation ultra privilégiée. Entre deux scènes aux couleurs somptueuses, le film se permet quelque dialogues surprenants, touchants, dans un amour presque sincère entre Oliver et Felix. Un amour taché par un jeu de domination visuellement perceptible tant la réalisatrice nous rappelle par des images subtiles que les personnages ne vivent pas dans le même monde.

Un casting réussi

Même si Saltburn ne brûle pas autant qu’on l’aurait espéré, Barry Keoghan, lui, traverse le film par une écriture et une aura qui relève vraiment du virtuose. Avec un charisme naturel, il illumine le métrage et donne de la vie à certains passages où l’on serait tentés de décrocher. Face à lui, le reste du casting est convaincant (mention spéciale au trio Archie Madekwe, Jacob Elordi et Alison Oliver). Le choix d’un acteur de 30 ans, qui contraste avec ses partenaires plus jeunes, est intriguant. Son âge reste flou alors que le climax du film est son anniversaire, ce qui accentue le sentiment de tromperie qui imprègne le récit.

À défaut d’être original, l’œuvre dégage une véritable volonté de choquer. À la croisée entre le pathétique (la scène de la baignoire) ou le malsain (la scène du cimetière), Saltburn fait le choix de ne pas prendre de gants pour servir son propos. On comprend très aisément que la réalisatrice a l’idée de brûler les figures habituelles du Teen Movie (le geek, le garçon populaire) pour le transformer en quelque chose de plus glauque et perturbant. Saltburn c’est en somme la double caricature du genre film pour adolescents mêlé à un propos politique marxiste.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.