Fouapa est au milieu de ses oeuvres dans son atelier.

Fouapa dans son atelier à Lyon. Crédit photo : Mélodie Le Cam.

Fouapa, itinéraire d’un artiste pop macabre

Entre morbidité et aplat de couleurs vives, Fouapa dissèque des objets comme s’ils étaient vivants. Rencontre dans son atelier situé à la Cité des Halles dans le 7e arrondissement de Lyon. 

« Planter ma graine en espérant qu’elle pousse. » C’est ce qu’il aimerait que l’on retienne de lui rapporte Fouapa, ou du moins de son tag grandeur nature présent au festival Peinture Fraîche. Dessiné à même la taule des anciennes usines Fagor, on distingue une tête humaine bleue sur un fond rose poudré. Avec son regard perçant, sa main se tend pour y attraper un cœur rouge vif. Le père du grapheur l’a d’ailleurs aidé dans sa réalisation. « Il n’y avait pas de nacelle disponible, alors j’ai fait avec les moyens du bord » raconte l’artiste. 

« Faire sortir de cet instrument les entrailles de la nature »

Quelques jours plus tard, Fouapa nous reçoit dans son atelier de la Cité des Halles, à Lyon. Situé dans une ancienne usine, le lieu reflète son univers. En contraste avec l’éclairage tamisé et les murs peints en noir, la pièce est parsemée d’objets colorés. Une dissonance cognitive affirmée qui constitue le cœur du travail du graffeur. Tram disséqué ou PlayStation aux yeux globuleux, de nombreuses œuvres de l’artiste habillent les murs. La plupart du temps, l’artiste travaille à l’aide de ses dix doigts, d’un posca ou de peinture acrylique. Ses supports sont variés allant du mur au skate en passant par les sacs à main. Il cherche à mettre en avant l’organique en disséquant seulement des objets et non le vivant. Pour lui, “entrer dans les entrailles de l’objet permet de se remémorer le souvenir, et dans une certaine mesure, de lui donner une part d’humanité.”

“entrer dans les entrailles de l’objet permet de se remémorer le souvenir, et dans une certaine mesure, de lui donner une part d’humanité.”

Fouapa

Le pop macabre, son genre à lui 

Du doigt, l’artiste désigne une guitare. Il s’agit du projet sur lequel il travaille en ce moment. “J’aimerais faire sortir de cet instrument les entrailles de la nature”, explique-t-il. Autour de lignes à peine lisibles, on aperçoit quelques feuilles végétales et un cœur, avec en son centre, un autre œil globuleux. Cette ambivalence entre couleurs vives et dessins d’entrailles, Fouapa l’a nommé pop macabre. Pierre-Jean Choquelle, de son vrai nom, n’a pas toujours été graffeur. Dans une autre vie, il travaillait dans la pub, “à Paris”, précise-t-il. Il y a deux ans, armé de son courage et de sa bombe de peinture, il lâche tout pour se consacrer pleinement à son art. Il choisit alors de retourner dans la cité des Gones, sa ville natale. Grâce à ce passé dans la publicité, il trouve nécessaire de conceptualiser les choses, comme son art. “Le pop macabre est un mot-valise que tout le monde peut comprendre et retenir”, explique Fouapa.

Un besoin de clandestinité 

L’artiste sait que ses oeuvres pourrait servir à interroger la société de consommation. Pour autant, il ne souhaite pas encore s’engager par peur de ne plus plaire à son public, “j’attends encore un peu, le temps de me faire une communauté”. Il revient alors sur la première — et seule — polémique dont il a fait l’objet. En 2022, un média lyonnais divulgue l’éventualité d’un partenariat entre l’artiste et un géant du textile chinois. “J’ai hésité à participer au projet”, reconnait-il, “mais cela ne correspondait pas à mes valeurs, alors j’ai fait machine arrière”. Si l’engagement n’est pas encore au programme, le désir de clandestinité est bien présent. À demi-mot, il confie taguer les rues lyonnaises sous un autre pseudonyme. 

Son smartphone sonne et coupe la conversation. Il soupire et s’excuse, ”depuis que je suis papa, je laisse mon téléphone allumé sinon je ne le regarde plus”. Ses yeux se détournent alors vers Urio, le petit chihuahua qu’il vient d’adopter.

Mélodie Le Cam

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.