À un an des présidentielles américaines, les expatriés en France s’interrogent

L’échéance approche à grands pas. Dans un an presque jour pour jour, les électeurs américains seront appelés aux urnes pour élire leur président. Si la date fixée au 4 novembre 2024 paraît lointaine, la campagne est déjà lancée depuis plusieurs mois. Les Américaines et Américains expatriés en France s’inquiètent pour le devenir de leur pays.

Dans un récent sondage, le New York Times donnait Donald Trump et Joe Biden au coude-à-coude avec une parfaite égalité. S’ils venaient à s’affronter lors des prochaines élections, ils remporteraient 43 % des voix chacun si les deux candidats. Une prévision qui enchante peu Alicia. À un peu plus de 60 ans, cette professeure de français originaire de Caroline du Nord a choisi de passer sa retraite dans les Côtes d’Armor (22). « Je ne comprends pas comment l’administration américaine peut laisser Donald Trump déposer à nouveau sa candidature », s’indigne-t-elle.

Et pour cause, dans la quasi-totalité des sondages, le sulfureux 45e président des États-Unis est donné gagnant de la primaire républicaine, la campagne d’investiture de son camp politique. « Cela ne m’étonne pas. Les supporters MAGA (Make America Great Again) boivent ses paroles. Ils ne sont dotés d’aucun esprit critique.» Ses soutiens sont à l’origine du courant MAGA qui divise actuellement le parti républicain. « Trump a apporté un style, un discours et des gestes qui lui sont propres et ça fonctionne. Aux États-Unis, les gens ont tendance à voter pour un candidat qui leur ressemble, qui adopte leurs gestes, leurs mots. Trump a compris cela et ça lui a été bénéfique en 2016 », estime Alicia.

Donald Trump, le favori qui inquiète

L’avance du candidat Républicain dans les sondages peut surprendre. Selon un sondage de CNN, avec 52 % d’intentions de votes, Donald Trump dominerait son principal rival, Ron DeSantis, alors même qu’il a refusé de participer aux premiers débats télévisés avec l’ensemble des candidats à l’investiture républicaine. Une tradition qu’il avait honorée en 2016. Pour Alicia, c’est une énième preuve de l’hypocrisie de sa candidature. « Trump se dit patriote mais refuse de se plier à la loi. On l’a vu lors de l’assaut du congrès qui lui vaut aujourd’hui d’être poursuivi en justice. Il fait la même chose ici. Il refuse de débattre alors que c’est une tradition et un moment attendu. Il se croit au-dessus des lois. »  Alicia s’inquiète qu’il ne retire pas sa candidature, même en cas de défaite aux primaires républicaines. Le principal intéressé a lui-même déclaré sur le plateau de Fox News, en mai dernier, qu’il « n’abandonnera jamais ». Ce n’est donc pas impossible que l’ancien homme d’affaires présente une candidature dissidente, sans étiquette politique, dans les mois à venir. 

« Face à Trump ou Desantis, Nikki Halley passe pour une modérée »

Le parti républicain joue gros dans cette élection. Pour la troisième fois consécutive, Donald Trump cherche la nomination du parti pour se présenter aux présidentielles. Un véritable risque pour le mouvement qui peine à imposer de nouveaux visages dans le jeu politique américain. Pourtant, ils sont neuf candidats à se présenter face à Trump et à proposer une alternative à sa ligne politique. Parmi eux, Nikki Halley, ancienne gouverneure de l’État de Caroline du Sud et ancienne ambassadrice à l’ONU, nommée par Donald Trump lui-même. Depuis, elle a pris ses distances avec l’ancien chef d’État et souhaite un renouveau générationnel. Pour Jeff, 26 ans, ingénieur en génie civil en région parisienne et originaire du Colorado, c’est la révélation de cette primaire. « Nikki Halley pourrait tenter les électeurs démocrates si elle obtient la nomination. Face à Trump ou Desantis, elle passe pour une modérée, car ses paroles et son style sont plus soignés alors qu’en réalité, elle défend une ligne politique très conservatrice. » Son investiture permettrait aussi au parti de tourner la page de l’ère Trump et de rallier de nouveaux électeurs. À seulement 51 ans, elle apparaît comme une alternative dynamique face à Joe Biden, 81 ans, dont l’état de santé préoccupe les électeurs.

« Joe Biden doit encore aller au bout de ses idées. »

86 ans. C’est l’âge qu’aura Joe Biden à la fin de son hypothétique deuxième mandat en 2028. Jamais les États-Unis n’avaient élu un président aussi âgé dans leur histoire. Pourtant, celui qui a été le vice-président de Barack Obama pendant huit ans a débuté sa campagne de réélection en avril dernier toujours aux côtés de Kamala Harris, vice-présidente des États-Unis en poste. Une nouvelle qui semble laisser Alicia dubitative. « Joe Biden est un bon président. Il a proposé un certain nombre de projets intéressants pour le pays, mais il doit encore aller au bout de ses idées. » Alicia parle notamment des mesures prises par l’administration Biden pour annuler les dettes des étudiants américains. « Ma fille a dû emprunter beaucoup d’argent pour pouvoir aller à l’université. À la fin de ses études, elle a dû commencer à rembourser alors qu’elle n’avait pas d’argent. Grâce à Biden, elle a pu obtenir une réduction sur sa dette de 20 000 dollars. C’est bien, mais pas assez. »

Jeff déplore le manque de candidats pour l’investiture démocrate : « Biden est sûrement trop âgé. J’aurais souhaité qu’il laisse sa place à Kamala Harris et qu’il y ait un débat plus important sur le choix du nominé. » Le vote pour l’administration actuelle semble déjà être un vote anti-Trump plutôt qu’un vote pro-Biden. 

Face à un climat tendu dans une Amérique divisée, tous deux se rejoignent sur un choix. Celui de ne pas revenir aux États-Unis. Ils apprécient d’être en France dans un pays où la politique leur paraît moins violente. Alicia observe malgré tout des similitudes. « Macron est un bon président et il a proposé de bonnes mesures. Je crains seulement de voir monter le populisme ici comme ce fut le cas chez nous. Marine Le Pen s’est déjà inspirée de Trump lors de sa campagne et sa popularité progresse. » 2027 pourrait bien alors devenir le 2016 français.

*Alicia est un nom d’emprunt pour garder son anonymat.

Adrien Raymond

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.