Deux photos de Miss, une heureuse et une autre malheureuse.

Les concours de Miss, entre admiration et critiques. ©Canva

Miss France cartonne à l’heure de la troisième vague féministe

Une émission regardée mais des critères de sélection jugés discriminants, le concours est contraint de se moderniser pour perdurer. 


Le concours disparaîtra-t-il dans 10 ans ? Patricia Recanati, présidente du comité Miss Rhône-Alpes est sceptique : « le public est fondamentalement pour mais la société empêche l’amusement par ses règles, tout est légiféré pour la soi-disant « bien-pensance ». » En effet, le mois d’octobre n’a pas été de tout repos pour le Comité Miss France. L’association Osez le Féminisme ! a porté plainte pour « discrimination à l’embauche », « clauses discriminantes » et « non-respect du Code du travail » envers la société Miss France. L’affaire n’a pas encore été jugée par le Conseil de Prud’hommes de Bobigny mais elle relance une énième fois le débat sur le concours national de beauté le plus populaire en France. Un premier pas par le comité a été réalisé : les participantes à Miss France vont être rémunérées et signer un contrat de travail

« Des critères discriminatoires »

L’association féministe prend acte de cette décision mais poursuit son action en justice, leur position est exposée sur leur site « on constate avec regrets que l’action des féministes pour faire respecter les droits des femmes est malheureusement toujours nécessaire. Cette annonce est largement insuffisante. La reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail (…) doit amener logiquement à la suppression de tous les critères discriminatoires ». 

Aujourd’hui, parmi les critères officiels, il faut être âgé de 18 à 24 ans, ne pas avoir de tatouage trop voyant et mesurer au minimum 170 cm. Ces conditions pour participer au prestigieux concours existent depuis sa création en 1921. Les élections de Miss s’inscrivent dans la continuité des couronnements de vertu, destinés à récompenser une jeune fille pour sa bonne moralité. Les critères de sélection ont été mis en place par Mme de Fontenay, puis par la société Miss France. 

« Des évolutions légères »

D’après Patricia Recanati, il y a eu « des évolutions légères dans les règlements comme la hauteur. » Ces critères, la présidente du comité régional y est très attachée « ils sont garants de l’élégance à la française. Ils représentent aussi le body positivisme, les jeunes filles ne sont pas choisies par critères de poids et le public est décisionnaires dans le choix des élues. Les miss représentent un territoire, une culture, elles sont l’image d’un « peuple ». Le public se reconnaît en elles. » Pourtant, la taille moyenne des Françaises est de 162,5 cm et elles s’habillent en 40. Seule Vaimalama Chaves, Miss France 2019, est l’exemple d’une élue qui ne taille pas un 36 mais un 38. D’après les chercheuses des centres de recherche sur les liens sociaux et d’ethnologie français Anne Monjaret et Federica Tamarozzi, les critères de sélection retranscrivent la valorisation de canons présents dans les médias. Ils sont propices au développement des marchés mondiaux de la mode et de la beauté. Une sélection physique qui semble loin de certains mouvements sociaux. Body positivisme, transidentité ou encore non-binarité, une partie de la société cherche à s’affranchir des stéréotypes de poids, d’âge et de genre et de toute forme de discrimination. 

D’autres conditions sont imposées pour accéder au titre de Miss France. En 2019, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a écrit dans son rapport annuel « ne pas être ni avoir été mariée ou pacsée, ne pas avoir eu ni avoir d’enfant » est une mesure discriminatoire, qui serait interdite s’il s’agissait d’un recrutement, mais que l’on accepte pourtant pour un concours. » La quatrième dauphine de Miss Lyon 2021, Manon Bruno, pense qu’ « ils sont justifiés compte tenu du temps qu’il faut consacrer aux Miss une fois qu’on est élue. Pour la condition de ne pas avoir posé nue, on oublie souvent que c’est exigé pour de nombreuses professions comme les notaires ou les avocats. » 

« Une institution du patrimoine français »

Toutefois, la candidate à Miss Lyon reconnaît qu’une certaine évolution dans le concours serait bienvenue « je pense qu’il faudrait repousser un peu l’âge, car 24 ans c’est jeune. En ce qui concerne la taille, pourquoi pas enlever ce critère. Mais je pense que les comités ont peur que ce concours perde de sa superbe et de sa popularité s’ils le font. »  6 millions de téléspectateurs étaient devant le concours Miss France en 2020, 2 millions de plus qu’en 2012. Une audience croissante qui s’explique par « le prestige, le beau », selon Manon Bruno. Un succès qui ferait du concours de Miss France « une institution du patrimoine français », d’après Patricia Recanati. L’attente d’évolution des concours de beauté n’est pas nouvelle et ne se cantonne pas à la France. Dès 1970, le concours Miss Monde voyait son déroulement perturbé par des protestations de femmes activistes. 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.