En France, 57% des femmes pensent que la pratique d’une activité physique permet de prévenir le risque de cancer ou de rechute (selon le Baromètre Sport Santé de la Fédération française d'éducation physique et de gymnastique volontaire).

Cancer du sein : le sport comme thérapie

Avec 58 459 nouveaux cas découverts en France en 2018, le cancer du sein est le cancer le plus fréquent et le plus mortel chez la femme. En complément des chimiothérapies, radiothérapies et autres traitements lourds, la pratique d’une activité sportive régulière est de plus en plus plébiscitée pour les femmes en traitement comme celles en rémission.


Tous les mercredis après-midi, Aurélie Guyot part faire son footing hebdomadaire… à la piscine ! Depuis le début de l’année, cette Nivernaise de 42 ans pratique l’aquajogging, un sport apparu aux Etats-Unis dans les années 70 et très prisé des athlètes blessés. Aurélie Guyot, elle, s’y est mise après avoir lutté pendant plus d’un an contre un cancer du sein.

Cette fonctionnaire de police avoue ne jamais avoir été « une grande sportive ». Mais après sa dernière séance de radiothérapie, en avril 2018, elle ressent l’irrépressible besoin de trouver un groupe de parole. « Pendant le traitement, vous êtes toujours entourée par le corps médical. Mais une fois terminé, on vous dit ‘’Au revoir madame’’ et vous vous retrouvez seule, du jour au lendemain », raconte-t-elle. « J’avais besoin d’échanger et de partager avec d’autres anciennes malades, de me refaire une santé, de me prouver que je n’étais pas finie. »

Plus d’énergie et moins d’effets secondaires

C’est là qu’elle rencontre la présidente de l’association Foutu Cancer 58, Florence Vard, qui lui propose des séances d’aquajogging. Infirmière de formation et passionnée par le sport, Florence Vard ne voit que des avantages dans la pratique de ce sport aquatique : « Cela permet de faire de la course sans subir de chocs aux genoux et aux hanches. Ça développe les épaules et c’est aussi plus confortable pour les bras, qui sont difficiles à lever après les interventions chirurgicales. » C’est le cas d’Aurélie Guyot qui, en novembre 2017, a subi une mastectomie du sein gauche. En plus de développer les muscles, l’eau possède une action massante et prévient l’apparition d’oedèmes lymphatiques.

Faire du sport permet de lutter contre les effets secondaires des traitements comme les douleurs articulaires et musculaires, la fatigue et la prise de poids. « En plus d’aider à éliminer les résidus de la chimiothérapie, le sport permet aussi de sécréter de l’endorphine, connue pour ses effets antalgiques », assure Florence Vard. Des effets qu’Aurélie Guyot ne peut que confirmer. « Cela fait un bien fou physiquement, le corps revit. Mais il faut quand même y aller doucement », confie-t-elle. Depuis deux ans, la Nivernaise suit une hormonothérapie, un traitement de fond sur cinq ans qui vise à réduire le risque de récidives.

Le risque de récidive réduit de 20%

Une étude publiée en 2005 dans le Journal of the American Medical Association affirme que pratiquer trois heures d’activité sportive par semaine réduit de 20% le risque de récidive. Une autre, publiée en 2017 dans le Canadian Medical Association Journal, désigne l’activité physique comme ayant les meilleurs effets sur la réduction de risque de récidive. « Depuis deux ou trois ans, le regard sur le sport a changé. Avant, on conseillait aux patientes sous traitements de se reposer. Aujourd’hui, on leur recommande de faire du sport, dans la mesure du possible », explique Magalie Toutain, membre de l’association Casiopeea et ancienne malade.

Cette association parisienne fait du sport son fer de lance, comme le traduit son slogan « Le sport pour vaincre ». En plus d’un grand défi annuel, Casiopeea organise également, chaque mois, une sortie extérieure pour les femmes atteinte d’un cancer et leurs proches. Course, marche, vélo, zumba,
marche rapide… Le sport est là pour s’oxygéner l’esprit. « Pendant ce temps, on ne pense pas aux traitements et à la maladie. On rencontre d’autres personnes et on s’aère la tête », explique Magalie Toutain.

Un exutoire émotionnel

Mentalement, la pratique d’un sport est un véritable exutoire. Grâce à Foutu Cancer 58, Aurélie Guyot est partie une semaine en séjour thérapeutique dans le Vercors : « On a fait de la randonnée, de l’escalade, de la boxe, de la préparation musculaire… ça m’a permis de faire ressortir mes émotions, surtout la colère », explique-t-elle. Ce moment, rien qu’à elle et à son corps, va bien au-delà du simple effort physique. « On commence de rien du tout, puis on escalade, petit à petit. On s’arrête à un premier refuge, puis on repart, puis on s’arrête à nouveau. On avance, tout le temps ».

L’activité physique permet de se réapproprier son corps, malmené et meurtri par les mois – si ce n’est les années – de traitements et les multiples chirurgies. Un processus qui réclame néanmoins beaucoup de temps, de résilience et… d’argent. « Beaucoup de femmes qui ont subi une mastectomie n’osent pas aller à la piscine en raison de l’image qu’elles renvoient », explique Florence Vard. Pour remédier à cela, des prothèses de sport et des maillots de bain adaptés sont proposés à la vente : pour autant, ces produits ont un certain coût, qui va souvent au-dessus de la centaine d’euros. Pour sa prothèse de natation, Aurélie Guyot a déboursé la coquette somme de 233€, remboursée par la sécurité sociale. Elle devra patienter dix-huit mois pour la changer de nouveau.

Vers un remboursement du sport ?

Depuis la loi du 20 janvier 2016, les médecins peuvent prescrire du sport à leurs patients souffrant d’une affection de longue durée (ALD). Pour autant, cette prescription n’est pas prise en charge. Une situation qui pourrait prochainement changer, avec le projet de loi de financement de la Sécurité sociale 2020, qui souhaite mettre en place un forfait santé qui permettrait, entre autres, un suivi sportif pour les personnes en ALD. En attendant, les femmes comme Aurélie Guyot peuvent toujours compter sur l’aide des associations, qui les accompagnent dans leur reconstruction physique et psychologique.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.