Côte d’Ivoire : Serge Aurier a utilisé la « formule magique »

Capture d’écran de la vidéo d’excuses de Serge Aurier.

En tant que journaliste travaillant pour une émission de football en Côte d’Ivoire, difficile de parler d’autre chose que de l’affaire Serge Aurier. L’article précédent expliquait la lenteur du traitement de cette actualité par les médias locaux. Mais un autre constat s’est depuis imposé : une fois qu’elle a commencé à être traitée, l’affaire a occupé une place bien moins importante qu’attendu. Pour quelles raisons ?

Un joueur de football, un porte-drapeau de la Côte d’Ivoire pris en flagrant délit, en train d’insulter son entraîneur et ses partenaires. Au vu de l’ampleur médiatique de l’évènement en Europe, on pouvait s’attendre à une résonnance au moins aussi grande dans le pays natal du joueur. Pourtant, le sujet a finalement été peu évoqué, les médias ivoiriens n’y ont pas accordé une importance énorme. En quelques jours, c’était quasiment fini. Sur place, ni les médias ni la population ne semblent en vouloir d’une manière ou d’une autre à Serge Aurier, malgré tout ce qu’il peut représenter en tant que star du football. À croire que tout cela est déjà oublié !

Oublié ? Non, pardonné. Comme l’a déclaré son partenaire au Paris Saint-Germain Blaise Matuidi, « Serge Aurier a demandé pardon ». Une phrase qui peut sembler anecdotique pour les médias européens, mais en Afrique, c’est un acte extrêmement important. De discussion en discussion, on apprend que lorsque quelqu’un prononce les mots « je demande pardon », il s’abaisse, reconnaît sa faute et demande humblement aux personnes touchées de se montrer magnanimes.

Culturellement, il est impossible de sanctionner, de réprimander, ou de continuer à blâmer un fautif après cela. S’il courbe l’échine et implore le pardon, c’est terminé, l’affaire est close. On doit se montrer « grand », « bon » et passer l’éponge, peu importe la faute commise. Ne pas respecter cet usage, traditionnel et presque rituel est briser un code social très important. L’efficacité de cette phrase peut évoquer une formule magique ! C’est ainsi que les médias, comme le peuple ivoirien, ont « pardonné » à Serge Aurier.

Évidemment, en Europe les codes ne sont pas les mêmes, et les médias ont continué de relayer largement l’affaire. Mais cet épisode permet d’apprendre que le métier de journaliste est soumis à un ensemble de règles, de codes tacites connus de tous, propres à chaque culture. Difficile d’être journaliste sans en avoir conscience, et pourtant, une longue expérience est nécessaire pour les intégrer. C’est en constatant ces différences de traitement que l’on réalise à quel point le métier exige une connaissance et une maîtrise parfaite des normes et des codes sociaux avec lesquels le journaliste doit composer.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.