La course aux clics : le journalisme web dans tous ses états (2/2)

Deuxième partie: Quel avenir pour le « web du clic » ?

Tony Haile, PDG de Chartbeat, l’outil pour les statistiques en temps réel, évoque une transition qu’il juge indispensable du « web du clic » vers le « web de l’attention ».

« Il faut passer du web du clic au web de l’attention, nous avons besoin d’un autre système de mesure. » Tony Haile a beau diriger la société qui équipe la plupart des plus grand sites d’information comme le New-York Times, le Monde, CNN… il n’est pas un adepte de la course aux clics sur internet pour autant. Selon lui, ce modèle n’est d’ailleurs plus le plus profitable économiquement parlant pour les éditeurs de presse qui cherchent à produire un minimum de qualité : « avec le web du clic, l’inventaire est infini. Augmenter son inventaire ne coute rien: je prends un article, je le découpe en trois pages différentes, cela triple le nombre de clics potentiels. Dans ce contexte, les prix des publicités tendent vers zéro. C’est pour cela que les éditeurs de presse de qualité ont des difficultés à vivre. »

Les médias cherchent des revenus dans la publicité, les agences de publicité payent pour de la visibilité. Le résumé de Tony Haile montre bien l’impasse dans laquelle se trouve le journalisme sur internet: « pour vendre beaucoup d’impressions publicitaires, je ne veux pas que les gens lisent le contenu mais qu’ils cliquent dessus. Pour les annonceurs, cela veut dire qu’ils ne payent pas pour gagner de l’attention mais pour de simples clics. »

La transition vers la mesure du temps passé à lire

C’est vers un autre système de mesure que sont sur le point d’utiliser certains médias et agences de statistiques. Celui-ci prendra le temps comme mesure de l’attention du lecteur qui est en train de regarder un contenu ou une publicité. C’est une technique plus logique et qui se rapproche d’avantage de la volonté des annonceurs: capter l’attention sur leurs publicités afin que les gens s’en rappellent. Ce que les spécialistes appellent le « web de l’attention » est aussi une bonne représentation de la qualité du travail journalistique : il est rare que quelqu’un passe du temps à lire si le contenu est mauvais, surtout sur Internet où les contenus sont presque illimités.

Chez Chartbeat, le principe de mesure du temps d’attention est parfaitement rodé. Selon son PDG, à 95 % du temps lors des cinq secondes précédentes, l’internaute interagit avec son ordinateur (souris, clavier etc). Ce sont autant de signes qui montrent que l’utilisateur est actif: « vous avez peut-être lu les 400 premiers pixels d’un article puis quelqu’un vous a proposé un café et vous a distrait. Ensuite, après une pause vous avez repris votre lecture. Nous pourrons dire combien de temps votre attention a été retenue et à quels endroits de l’article » détaille Tony Haile.

The Economist rejoint le mouvement

Récemment, l’hebdomadaire britannique a décidé de se joindre au gang des « anti » course aux clics. Jusqu’ici il utilisait la mesure standard CPM (coût pour 1 000 clics) comme le rapporte le Wall Street Journal et Le Monde. Le PDG du journal, Paul Rossi, justifie ce choix d’orientation: « nous pouvons offrir des garanties plus grandes que d’autres sites dont le contenu est moins profond et la publicité à mon avis moins efficace. »

The Economist appartient au groupe Pearson. Il changera de mode de calculs de statistiques comme l’a fait le Financial Times, une des publications les plus connues à avoir choisi ce fonctionnement. Le temps dira si l’influence sur le travail journalistique est meilleure et si d’autres médias se lanceront eux aussi dans la bataille.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.