Députés du Rassemblement National : le choix de la discrétion.

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

Dans le cadre d’une mini-enquête, deux rédacteurs ont extrait les données du site NosDéputés.fr, et ont regardé attentivement l’activité des députés RN.

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Incompétents, ou au moins inactifs, les députés du Rassemblement National ont été critiqués de tous bords pour leur passivité dans l’opposition à la réforme des retraites. En commission et dans l’hémicycle, ceux-ci se sont fait bien discrets. Une nouvelle étape de la stratégie de normalisation.

Le Palais Bourbon : siège de l’Assemblée Nationale (CC : Daniel Vorndran / DXR)

« Nos collègues du Rassemblement National sont à la ramasse ! » (sic). Autour des grandes tables de la commission où s’examine la réforme des retraites, les accusations de paresse et de désintérêt fusent en direction des députés du parti nationaliste. C’est facile, ces préjugés sont largement admis, d’autant que le parti est apparu en nombre dans les travées du palais Bourbon lors des dernières élections législatives. Cinq d’entre eux seulement connaissaient déjà le boulot de député. Facile, parce que c’est le jeu de la politique, mais pas toujours en accord avec les chiffres.

En commission déjà, l’activité du groupe Rassemblement National est vivement critiquée. L’absence de 9 députés sur 11 le 27 janvier, alors que certains amendements importants allaient être votés, fait réagir sur les réseaux sociaux : « Ce sont des opposants en carton », fustige le député de la France Insoumise Manuel Bompard. Au-delà de l’absence, c’est leur attitude que déplorent certains élus. Feignant l’incompréhension ou semblant consternés, les députés multiplient les attaques sur la supposée incompétence de leurs collègues du RN. « Vous changez de position au fil des sondages, vous lisez vos fiches sans les comprendre, quitte à tourner en rond et tomber par terre » lâche Prisca Thévenot, députée Renaissance des Hauts de Seine, d’un air flirtant avec la condescendance. Si les piques proviennent surtout des bancs de la NUPES, tous les parlementaires semblent s’accorder sur cette façon d’attaquer l’opposition d’extrême-droite, et ce durant tout le processus à l’Assemblée Nationale.

Deux stratégies opposées dans cette bataille parlementaire

Les députés de la Nupes, en tête de file la France Insoumise, ont opté pour l’obstruction parlementaire, qui vise à déposer des amendements en masse afin de ralentir le débat sur une réforme. « 20 000 amendements, c’est faire croire qu’on veut le débat et opposer la violence de l’obstruction », s’agaçait Olivier Dussopt le 11 février. Très courante dans la vie parlementaire, cette méthode a été anticipée par l’exécutif, c’est d’ailleurs pour cela que le débat sur le texte à été raccourci à une semaine en séance plénière.

À l’autre bout de l’hémicycle, le Rassemblement National a lui été critiqué pour son moindre engagement dans l’opposition à la réforme. En compilant les données du site de l’Assemblée Nationale sur la réforme des retraites, nous pouvons confirmer ce sentiment : les députés du RN n’ont proposé que 212 modifications du texte. Ce chiffre les place à la 7e position en nombre d’amendements déposés, sur 10 groupes parlementaires. Derrière eux, les petits groupes de la majorité, MOdem et Horizon, qui ont naturellement peu de choses à redire du projet, ainsi que Liberté et Territoires, formé d’une vingtaine de députés. En comparaison, les élus des Républicains, moins opposés et moins nombreux, ont tout de même déposé 1132 amendements, soit plus de 5 fois plus.

Grâce aux chiffres compilés par le site nosdéputés.fr et disponibles en source ouverte, nous pouvons comparer l’activité des différents groupes parlementaires depuis le début de la mandature il y a 9 mois maintenant, et en tirer un enseignement plus général. Là encore, il semble en effet que le RN est peu actif.

En moyenne par député, depuis le début de la mandature :

Ces graphiques permettent de donner une idée de l’activité parlementaire moyenne d’un député dans les quatre grands groupes à l’Assemblée Nationale. Nous observons donc bien une moindre participation des députés RN dans les commissions parlementaires, ainsi que dans le nombre d’amendements déposés. Le nombre d’interventions en hémicycle est comparable entre LR et RN, bien que légèrement inférieur pour ces derniers. Toutefois, une plus grande absence des députés du RN en commission ne se vérifie pas dans les chiffres.

« Les députés RN ont été nuls »

Cette phrase de Sandrine Rousseau, entendue récemment sur la chaîne parlementaire Public Sénat, résume le sentiment des députés, notamment de gauche, et plusieurs théories peuvent permettre de l’expliquer.

Pour certains, il est clair que les députés du Rassemblement National sont incompétents : « Quand vous quittez votre feuille de vote, vous semblez totalement perdus », déplore Antoine Léaument. Pourtant, en démocratie, il n’est pas forcément souhaitable que les représentants du peuple sortent tous d’une formation de Droit ou de Science Politique. L’autre thèse, c’est celle d’un manque de projet sur les questions sociales. Souvent décrit comme un parti à thèmes, sécurité et identité, la légitimité du RN sur un sujet comme les retraites reste à conquérir. La gauche a toujours le monopole de la mobilisation sociale et prend beaucoup de place dans cette bataille.

Le RN fait en réalité un très bon coup. Cette discrétion est un atout à bien des égards. Il permet de dénoncer le comportement de la NUPES, la « bordélisation » que Jordan Bardella, le président du parti, a dénoncée à de nombreuses reprises. Le RN cherche, avec les moyens politiques dont il dispose, à apparaître comme une opposition plus crédible, et plus ouverte au débat.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.