Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.
Dans le cadre d’une mini-enquête, deux rédacteurs ont extrait les données du site NosDéputés.fr, et ont regardé attentivement l’activité des députés RN.
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Il y a dix mois, 89 sièges à l’Assemblée Nationale étaient obtenus par le groupe parlementaire Rassemblement National à l’issue des législatives. Un score qui dépasse grandement les résultats de 2017 (8 sièges) et même de l’ancien record de sièges dans l’histoire du parti, alors Front National (35 sièges en 1986). De cette nouvelle force parlementaire, on peut supposer une envie de bien faire. Beaucoup de ses élus découvrent leur fonction et se rendent très souvent au Palais Bourbon. D’autres, occupés ou moins sérieux, ne sont pas si assidus.
Beaucoup ont critiqué l’action parlementaire du Rassemblement National. Des bancs de la Nupes, on a fustigé une opposition de pacotille. Depuis la majorité présidentielle, certains s’inquiètent de la dédiabolisation du parti d’extrême droite, et reprochent à la gauche de la permettre par leur sorties spectaculaires. La « bordélisation » de l’Assemblée par le premier groupe d’opposition donnerait au RN l’occasion de se montrer respectable. Il est certain que les élus du parti de Jordan Bardella se font discrets, en témoigne leur faible nombre d’interventions dans l’hémicycle comme en commissions. Pour autant, les députés RN sont en moyenne parmi les plus présents. Il y a des exceptions à la règle.
Les principaux concernés
Julien Odoul, visage connu du parti, est le député RN qui se rend le moins au Palais Bourbon. Il s’était rendu célèbre en 2019 au travers d’une polémique. Il avait réclamé qu’une accompagnatrice scolaire en visite du conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté retire son voile islamique au nom de la laïcité. La séquence, qui avait été filmée, avait ému, car on pouvait y voir le fils de l’accompagnatrice éclater en sanglots. Aujourd’hui, Julien Odoul est plus discret. Depuis son accession à l’Assemblée Nationale, il n’a mis les pieds que 16 fois en commission parlementaire. La moyenne pour les autres députés est d’environ 40 présences.
Nathalie Da Conceicao Carvalho, députée de l’Essonne, est la seule élue parlementaire RN d’Île-de-France. Sa proximité géographique avec l’hémicycle ne la rend pas si assidue pour autant. En effet, elle n’a jusqu’ici fait entendre sa voix qu’une seule fois en huit mois de mandat. Elle avait alors questionné le gouvernement à propos de l’affaire Axelle Dorier, la jeune femme percutée et traînée par un véhicule à Lyon, qui avait tragiquement perdu la vie. La députée RN avait adressé un réquisitoire au Garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti, critiquant un certain laxisme de la justice. Il permettrait selon elle de laisser tranquille les délinquants et les criminels comme le meurtrier d’Axelle, qui selon son avocat, pourrait obtenir une liberté sous contrainte au bout d’un certain temps de détention. Cette interaction s’était suivie d’une discussion enflammée entre l’opposition d’extrême droite et le ministre de la Justice.
Nathalie Da Conceicao aurait sûrement intérêt à s’exprimer plus souvent lors des séances plénières, ne serait-ce pour tenter de rattraper ses collègues, qui ont en moyenne un compte d’interventions de 158 dans l’hémicycle.
Monsieur le ministre, entendez-vous, dans nos villes et nos campagnes, mugir ces féroces barbares ?
Antoine Villedieu en séance plénière
Ex-policier, on ne sait pas bien ce qui peut retenir Antoine Villedieu de fréquenter les bancs de l’Assemblée. Régulant ses prises de paroles, le député de la Haute-Saône s’était tout de même insurgé contre le maintien de l’obligation vaccinale contre le COVID-19 pour les personnels soignants. Il avait aussi réinterprété les paroles de La Marseillaise, pour demander une meilleure exécution des OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). « Monsieur le ministre, entendez-vous, dans nos villes et nos campagnes, mugir ces féroces barbares ? », avait-il demandé en s’adressant à Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur. Le député socialiste Arthur Delaporte avait alors rétorqué : « Les barbares, c’est vous ! ».
José Beaurain, élu de la 4ème circonscription de l’Aisne n’est pas si absent que ça en commission, bien que moins présent que la moyenne. Il est le premier député non-voyant de France. Ce qui est le plus surprenant, c’est sans doute sa quasi-totale discrétion lors des réunions. En effet, sur les 25 séances auxquelles il a assisté, il n’a pris la parole qu’une fois pour poser une question sur un projet de loi qui venait d’être retiré. Dans l’hémicycle cependant, il avait tout de même marqué les esprits en prenant la parole sur l’Aide à la Vie Partagée (AVP), appelant à ce que tous les départements s’engagent sur cette question, importante pour la vie des personnes en situation de handicap. Sa lecture était particulière et inédite pour les bancs du Palais Bourbon, car il avait lu son texte depuis un support en braille.
Si certains perçoivent une stratégie dans la discrétion du Rassemblement National, on est en droit de se questionner sur les intérêts de ce groupe parlementaire. Cherche-t-il davantage à se montrer comme une force d’opposition au gouvernement ou comme un parti sérieux et responsable, lavé du soupçon qui jadis pesait sur lui ? Une chose est certaine, que ce soit pour gagner en crédibilité dans sa ligne contestataire ou pour renforcer le sentiment qu’il est devenu un parti avec lequel on peut travailler en bonne entente, il est bon de se faire entendre et de ne pas fuir les bancs de l’Assemblée durement obtenus aux législatives. Les prises de paroles, même si elles sont rares semblent pour autant traiter les thèmes historiques du RN : la sécurité et l’immigration.