Résultat du broyage du plastique

Nouvelle vie pour les déchets plastiques : place au mobilier éco-conçu

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

ENTRETIEN – Grande star de la seconde moitié du 19ème siècle, le plastique est aujourd’hui, la bête noire de l’environnement. Si pour le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, on compte 1,9 millions de déchets plastiques cumulés chaque année par les Français, pour l’ONG WWF, le chiffre est beaucoup plus important : 4,5 millions par an. Quoi qu’il en soit, les déchets plastiques affluent en très grande quantité, et la question de leur avenir se pose. Pour Stéphane Testa, fondateur de l’entreprise de recyclage Carbon Blue située dans les Bouches-du-Rhône (13), c’est l’opportunité d’en faire des meubles.

Stéphane Testa, CEO et fondateur de l’entreprise Carbon Blue

Cela fait deux années que Carbon Blue existe, d’où vous est venue l’idée de faire des meubles en plastique recyclé?

À l’origine, c’est une affaire familiale d’ébénistes datant des années 50. Pour des questions financières, on est passé du bois au plastique. La transition au plastique recyclé planait dans l’esprit de mon père déjà depuis quelques années et cela s’est concrétisé quand on a racheté l’entreprise spécialisée MP Industries. Ce n’est pas réellement un déclic environnemental qui nous a poussé à produire de cette manière, mais plus une histoire de bon sens. On trouvait dommage qu’il y ait autant de déchets plastiques, l’idée était de savoir ce qu’on pouvait en faire. 

J’ai vécu 20 ans en Chine et lorsque je suis revenu en France, j’ai voulu améliorer le système de l’entreprise. C’est là que Carbon Blue est né. Carbon Blue, c’est un atelier près de Marseille qui évolue sur la base de trois chiffres clés : 30 tonnes de plastiques recyclés, trois employés, 300 000€ de chiffre d’affaires. Le but était de créer des micro-usines au cœur des zones industrielles. En procédant de cette façon, on est au plus proche des déchets plastiques ce qui créé un circuit-court.

Le principe est donc d’amener l’usine au déchet plastique. Quels sont les impacts de vos productions ?

On a pu créer le métier d’ébéniste plastique, qui sera capable de reconnaître les différents plastiques et de comment les changer en meubles. Nos micro-usines sont capables de traiter près de 30 tonnes de déchets plastiques par an. C’est vraiment peu mais dernièrement, on fait le constat d’un marché en pleine croissance dans le mobilier : les tables, les bureaux ; particulièrement depuis le Covid et le télétravail. La matière première augmente en tarif. Or, les déchets plastiques, sont à profusion sur la planète et notamment en France.

Vous avez évoqué différentes sortes de plastiques récupérés, quelles sont-elles ? Et quel est le processus de fabrication ?

Nos déchets plastiques proviennent de différentes entreprises, sociétés industrielles. Décathlon, par exemple, nous donne ses palettes plastiques qui sont cassées. On récupère aussi des grands bidons bleus de l’agroalimentaire, des seaux, des supports de bobines. Ce sont les déchets que l’on appelle du post-industrial. On fait aussi le post-consumer, les déchets de la poubelle jaune. J’aime comparer notre métier à un cuisinier. Comme lui est capable d’aller chercher les bons ingrédients pour faire un bon plat, chez nous un ébéniste plastique récupère au maximum tout ce qui est encore bon et en fait un produit fini de qualité. Le post-consumer est beaucoup plus sale et abîmé que le post-industriel, donc il demande à être nettoyé.

On ne peut pas tout récupérer : un premier tri est fait au centre de collecte, puis nous en refaisons un et ce qui est bon est gardé. Le plastique est ensuite broyé en petit morceau, puis il est chauffé, fondu, pour en produire des plaques, enfin il est travaillé comme du bois. Le plastique recyclé est récupéré dans un rayon de 50 kilomètres autour de l’atelier.

Concernant vos produits, lorsque l’on consulte votre catalogue, on retrouve surtout de grands objets utiles dans le quotidien, et peu de décoration par exemple. Est-ce un choix de sobriété écologique ?

Bien sûr, l’idée est de faire du volume, de recycler du plastique en grosse quantité. Il est certain qu’on peut produire des boucles d’oreilles, des dessous de plat, etc. On sait faire des petites pièces, mais aussi et surtout des plus importantes : des tables, des bureaux, des fauteuils. On cherche à écouler 30 tonnes par an. On veut donner une vraie solution aux déchets plastiques. Les boucles d’oreilles peuvent avoir un effet dans la sensibilisation lorsqu’elles sont faites de plastiques recyclés. En revanche, dans l’impact environnemental, on ne touche pas énormément. Déjà que la production de notre atelier n’est pas colossale, il est quand même important d’avoir un minimum d’impact.

Avoir un impact environnemental semble être au cœur de vos préoccupations. Quels sont vos projets pour Cardon Blue à l’avenir ?

On a différents projets. On souhaite mettre en place des ateliers pour les jeunes. La sensibilisation est au cœur de notre activité. Pour le moment, on est déjà passé quelques fois dans des écoles. En collaboration avec les enseignant·es, on présente aux enfants notre métier et l’importance qu’il a face à l’ampleur de la pollution plastique.

Concernant Carbon Blue, un projet d’ouverture d’un nouvel atelier dans la région de Marseille est en cours de validation, et deux autres arrivent pour l’année prochaine. Pour 2024, on souhaite franchiser l’entreprise (accord d’utilisation du nom, du savoir-faire d’une entreprise à une autre, NDLR) et se développer au niveau national. Une centaine d’ateliers sont attendus d’ici cinq ans. Tant que la production de plastique existera, il sera nécessaire de démocratiser notre méthode.

De nos jours, seulement un quart des déchets plastiques est recyclé, le reste est enterré ou brûlé. Tout ce qui est recyclé est un plus, cela minimise la part des déchets qui se retrouvent dans la mer. Mais ce genre de projet fonctionne uniquement s’il est fait de manière collégiale. Tout fonctionnera quand chacun·es aura fait son petit bout de chemin.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.