Campagne de sensibilisation #pas de honte #pas de blâme de l'organisation libanaise Abaad.

Violences faites aux femmes au Liban : L’ONG Abaad revendique “des peines à la hauteur des crimes”

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

Au Moyen-Orient, malgré l’évolution des lois, viols et « crimes d’honneur » restent pour la plupart impunis. Pour libérer la parole dans le monde arabe et déconstruire les stéréotypes autour de ces crimes, l’organisation libanaise Abaad lutte depuis 2011.

Vidéo : Campagne de sensibilisation #pas de honte #pas de blâme de l’organisation libanaise Abaad.

Sur le Front de mer de Beyrouth non éclairé, une femme échappe à une tentative de viol, le 28 mars 2023, grâce à ses hurlements. Son agresseur est toujours recherché par la police. Le même jour, à Choueifate, une femme est assassinée par son mari d’une rafale de dix coups de feu. L’auteur de ce « crime d’honneur » prend la fuite.

En l’espace de deux jours, ces deux événements ont fait l’actualité au Liban. Comme tant d’autres, ces crimes seront probablement impunis. 

Quand il s’agit de violences faites aux femmes, nul ne peut s’empêcher de douter de l’efficacité de nos systèmes judiciaires. Pourtant, ne sont-ils pas censés assurer le rôle de protecteurs à toutes les victimes ?

Au Moyen-Orient, des reformes hésitantes

Le rapport de l’ONU Femmes de 2017 révèle qu’au moins 35 % des femmes du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord sont confrontées à des violences de la part d’un partenaire intime au cours de leur vie. Faute de « la disponibilité limitée des données », ce chiffre n’a pas été actualisé.

Selon le dernier rapport d’Amnesty International de 2022, quelques réformes hésitantes se mettent en place. Toutefois, dans des pays tels que la Jordanie, l’Irak, le Koweït et la Palestine, les crimes « d’honneur » restent impunis par les systèmes de justice pénale. En Iran, malgré un projet de loi qui prévoit des dispositions de protection des femmes contre les violences domestiques, elles restent encore définies comme une infraction. 

Au Liban, une association vectrice de changement des lois 

Au Liban, des associations et organisations prennent alors les choses en main. Fin 2022, une étude réalisée par l’organisation libanaise Abaad, à l’occasion des 16 jours d’activisme, un événement international, révèle que six femmes sur dix ayant subi une agression sexuelle ne signalent pas le crime pour des raisons liées à la dignité et à l’honneur.

Créé en 2011, le centre de ressources Abaad, basé au Liban, est une organisation civile non sectaire, accréditée par le Conseil économique et social des Nations Unies. Elle met en œuvre les principes d’égalité des sexes et de justice à travers des refuges, des centres de ressources et des campagnes de sensibilisation en plus d’un travail juridique. L’organisation avait déjà réussi en 2017 à faire abolir l’article 522 du code pénal libanais, qui exemptait de peine un violeur s’il épousait la victime. 

Ghida Anani, directrice d’Abaad assure que l’organisation collabore actuellement avec des représentants parlementaires « pour soumettre les propositions d’amendements juridiques du chapitre sept du code pénal libanais ». L’objectif est maintenant de récolter leurs signatures. 

« Crimes liés à l’honneur et la dignité ». Tel est le titre actuel de ce chapitre. Pour Ghida Anani, il est important de commencer par le modifier et le requalifier en « Crimes d’agressions sexuelles ». Cette substitution symbolique enverra un message clair : « si quelqu’un t’agresse sexuellement, c’est un crime, et non une atteinte à l’honneur de ta famille », affirme-t-elle. 

L’organisation a également élaboré des propositions d’amendements d’autres articles de ce chapitre, notamment sur les peines encourues. « Nous demandons des peines à la hauteur des crimes commis », revendique la directrice. 

En plus du volet « juridique », l’organisation lance une campagne publique, « pour libérer la parole, sensibiliser et accélérer le processus d’obtention de signatures de la part des parlementaires ». 

#Pas de honte #Pas de blâme 

Les résultats de la dernière étude d’Abaad ont inspiré la campagne « #NoShameNoBlame ». En plus des affichages, la télévision, la radio et les mails, l’organisation investit les réseaux sociaux. 

Celle-ci inclut, entre autres, une vidéo « Linge sale », où l’artiste libanaise Rémi Akl dessine avec les mots une métaphore percutante. Son poème raconte la façon dont on apprend aux survivantes de violences sexuelles à cacher leur « linge sale » pour protéger l’honneur et la dignité de la famille. 

La campagne vise à faciliter « l’acceptation d’un message sensible auprès des sociétés arabophones » selon Ghida Anani. « Cette campagne essaie de faire évoluer les perceptions sur les actes de violence sexuelle qu’il faut désormais voir en tant que crimes. » 

Même si sa principale activité est au Liban, Abaad dépasse les frontières et s’étend sur tout le monde arabe, notamment par les réseaux sociaux. Selon elle, ils sont parfois plus libres d’accès que les « réunions ou sessions de sensibilisation organisées dans les centres ». 

La directrice souligne alors la nécessité « de traiter ces crimes indépendamment des stéréotypes profondément enracinés de la société et de les combattre avec fermeté ».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.