Quand l’invisible s’invite au cœur du quotidien : Camille Racca sensibilise face au handicap

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

En France, près de 80 % des handicaps sont invisibles. Pourtant, peu sont les personnes qui le savent et le comprennent. Rencontre avec Camille Racca, étudiante de 22 ans, actuellement en 5ème année de médecine à l’université de la Sorbonne à Paris. Il y a près de 3 ans elle crée le compte Instagram Drawyourfight et l’association du même nom il y a quelques semaines. En situation de handicap invisible, la jeune femme cherche à sensibiliser sur la réalité de son quotidien et celui de milliers de personnes, à travers des illustrations, textes explicatifs et témoignages.

Cet article fait partie du dossier handicap.

Pour commencer, pourriez-vous me définir le handicap invisible ?

On pense souvent que le handicap est le fait d’avoir tel symptôme ou telle maladie, mais le handicap est la limitation fonctionnelle qu’entraîne la pathologie, dans les interactions sociales, le travail, etc. Un aveugle par exemple est handicapé par le fait de ne pas pouvoir marcher dans la rue, non pas par le fait de ne pas voir. Le handicap concerne les conséquences des maladies, et quand il est invisible, cela concerne toutes les pathologies physiques ou psychiques qui ne se manifestent pas visuellement. Personnellement, j’ai une maladie qui me provoque des douleurs et une fatigue chroniques. Mes douleurs font partie de celles dites résistantes. Pourtant, si je ne dis pas que je suis en situation de handicap, on ne le devine pas. Même mes collègues étudiant.es en médecine, censé.es être sensibilisé.es, parfois ne comprennent pas les aménagements que j’ai pour la fac.

Effectivement, vous n’avez pas les marqueurs stéréotypes que la société a en tête concernant le handicap. En quelques mots, pourquoi faut-il sensibiliser face aux handicaps invisibles ?

En décembre dernier, un rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé a été publié concernant les conséquences des inégalités en matière de handicap. Les conclusions sont alarmantes, par exemple : une espérance de vie réduite de près de 20 ans pour certains patients porteurs de maladies psychiques. Il y aurait trois grandes raisons à cela. La première serait le manque de formation des professionnel.les de santé aux handicaps. La seconde, la précarité financière et le manque d’accès au soin et la troisième, les préjugés, rejets et attitudes négatives des prestataires de soins de santé. Je crois que ce rapport est assez parlant et explique grandement pourquoi il est impératif de sensibiliser face aux handicaps invisibles et visibles.

Un grand classique des handicaps invisibles est l’errance médicale. Cette période durant laquelle le patient souffre, mais que les médecins sont incapables d’en connaître l’origine. Avez-vous connu cette période ?

Je l’ai connue, mais ce n’était pas le problème. Je suis malade depuis six ans et je me suis toujours trouvée dans les bonnes structures et aux bons endroits. En revanche, les médecins étaient très peu à l’écoute et très catégoriques. Ils me disaient souvent : “On sait que vous avez mal, mais c’est comme ça, vous allez avoir mal toute votre vie, il va falloir vous y faire et faire des efforts”. Ces mots sont durs et c’est d’ailleurs ce qui a motivé mon envie d’être médecin. Je n’avais pas la force de changer le monde, alors devenir un médecin à l’écoute me semblait être une bonne manière de pallier cette expérience.

Vous me disiez que cette expérience vous a menée toute entière dans le milieu médical et a fait grandir votre envie de changer les choses. Aujourd’hui vous êtes suivie par plus de 20 000 personnes sur Instagram, ce compte qui vous permet de sensibiliser au quotidien. Pourquoi créer une association en plus ?

À l’origine, j’ai créé le compte Instagram dans le cadre d’un projet pour Octobre Rose avec une association de la fac. J’illustrais des témoignages de femmes ayant eu un cancer du sein pour leur donner la parole. Au vu de ma propre expérience, je sais les deux mondes qui séparent le fait de lire le mot « douleur » sur les livres de médecine et de vivre la douleur. Malheureusement, il n’a jamais vu le jour. Seulement, il m’était impensable de ne rien faire de ces témoignages poignants et instructifs, j’ai alors décidé de les partager sur Instagram durant tout le mois d’octobre rose. Avec ces publications je reçois d’autres témoignages que j’aime partager, alors je crée Drawyourfight. On a passé la barre des 20 000 abonnées il n’y a pas très longtemps. Je me rends compte que la sensibilisation plaît et fonctionne ; seulement sur Instagram, j’ai parfois l’impression de toucher uniquement celles et ceux qui sont déjà à minima concerné.es. Beaucoup ont encore des préjugés, et notamment les personnes âgées vis-à-vis des jeunes. On entend souvent la phrase “tu es jeune, tu ne peux pas être malade”. Malheureusement, ces personnes-là n’ont pas toutes Instagram, je suis donc allée les chercher. Et quoi de mieux qu’une association et ses campagnes de sensibilisation.

Justement, pouvez-vous m’en dire un peu plus sur ces campagnes ?

La première chose que j’ai voulu faire avec l’association était un support physique, j’ai créé et distribué dans toute la France plus de 3 000 flyers. La première campagne de sensibilisation, prévue pour janvier, concerne l’incompréhension face à la douleur et à la fatigue chronique. Beaucoup ont déjà ressenti des douleurs et de la fatigue, ce sont des symptômes de la vie courante, pourtant lorsqu’ils sont chroniques, ils s’avèrent être réellement contraignants pour le quotidien. L’idée est d’illustrer une affiche et un livret informatif, relus et certifiés par différent.es médecins, puis de les diffuser partout en France dans les hôpitaux, des écoles, etc. Les prochaines campagnes sont prévues sur les thèmes des handicaps invisibles, puis des maladies psychiques. Aujourd’hui, l’association compte cinq membres et plus de 50 adhérents, j’espère qu’elle grandira.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.