États-Unis. Progressistes et conservateurs mettent la corde au cou à la démocratie

Cet article a été publié dans le cadre d’une journée de simulation de rédaction web. Il a été validé, relu et corrigé par les élèves, en totale autonomie.

Au lendemain des élections de mi-mandat américaines du 3 novembre, déterminantes pour l’orientation politique des États-Unis, rien ne semble mettre d’accord les deux camps de votants. Un avenir inquiétant pour la démocratie alors que l’Amérique semble irréconciliable.

The Economist publiait en septembre un graphique de l’évolution du paysage politique dans les 50 États depuis 1970. Le constat est clair, le pays se fracture État par État en deux blocs où Républicain.es et Démocrates se font face. La fracture n’est pas seulement politique, elle est aussi sociale et géographique. Les États-Unis sont un pays polarisé sur tous les plans. Deux idéologies co-existent mais ne cohabitent pas. Reste à savoir si le pays peut s’enfoncer dans une polarisation sans risquer de mettre à mal sa démocratie.

Une démocratie sur le fil

Jérôme Viala-Gaudefroy, enseignant-chercheur à Sciences Po Paris spécialisé dans les politiques américaines rappelle que 30% de la population rejette encore la légitimité des élections présidentielles de 2020. Dès lors, le choix de la démocratie est en jeu aux États-Unis. D’après un sondage du New York Times avec le Sienna College, 71% des Américain.es pensent que la démocratie est en danger.

Dans un discours avant les élections de mi-mandat, le président américain Joe Biden tient pour responsables Trump et ses partisans de la fragilisation de la démocratie, divisant ainsi davantage le pays. Lui pour qui la réconciliation était le mot d’ordre de son mandat est même allé jusqu’à les qualifier « d’ennemis de la démocratie ». Viala-Gaudefroy explique ce revirement par un intérêt politique.

« On est dans une période de fort bipartisanisme où il s’est aperçu qu’il s’est aperçu qu’il était assez bas dans les sondages en raison de la récession. Il a dû favoriser et s’assurer le vote démocrate plutôt que de grappiller quelques Républicains.»

Jérôme Viala-Gaudefroy

Marie-France Weber, une riche franco-américaine de Californie, républicaine depuis toujours « votera toute sa vie pour les rouges ». Elle poursuit : « Les Démocrates sont des Robins des Bois, iels donnent des aides mais ne demandent pas à ce que les gens travaillent en retour, moi je crois au travail.» En revanche, elle ne souhaite plus la démocratie. Elle ne dit pas ce qu’elle envisage pour son pays mais semble en tous cas espérer une méritocratie où travail égale réussite. Dans le camp démocrate, on s’inquiète aussi. Christian Bernal, étudiant en droit à Irvine (Californie) craint un soulèvement ou une transformation brutale de son pays.

« Un énorme changement arrive dans les prochaines années. Quelque chose va se produire, une sorte de bombe qui va exploser. »

Christian Bernal

La peur d’une guerre civile

« C’est sûr à 100 % ». Angelo Cosma, votant démocrate et ingénieur est convaincu d’une guerre civile proche. Jérôme Viala-Gaudefroy se veut plus rassurant. « La forte participation aux élections de mi-mandat illustre bien la mobilisation de la population quand elle se voit violée ses droits.» Au printemps dernier, la Cour Suprême annulait le droit national à l’avortement. L’avenir de la démocratie est difficile à envisager. « Les Républicain.es souhaitent une dictature ou une démocratie à la hongroise qui remettrait en cause le vote des juges à la solde d’un parti » explique Viala-Gaudefroy. Iels voient en Viktor Orban, le président, un modèle d’autoritarisme.

Et si à droite comme à gauche on voit l’autre comme un ennemi, la radicalisation est particulièrement forte chez les Rouges, observable par une violence accrue des Trumpistes. “Mais la culture démocratique est si forte qu’elle permettra à la démocratie, aussi imparfaite soit elle, de survivre.” Christian Bernal, lui se console en rappelant qu’il y a toujours une majorité de la population qui ne souhaite pas la fin de la démocratie.

« Les gens ont l’énergie et la passion pour faire bouger les choses. Malheureusement, nous sommes encore tellement divisé.es qu’on se dirige droit vers une guerre civile. »

« Beaucoup ont fait de Trump une créature médiatique »

Mais si la division du pays nous paraît être un phénomène nouveau, « c’est en réalité une guerre culturelle qui se joue depuis 1990 » explique Jérôme Viala-Gaudefroy. Il souligne : « le discours populiste n’a pas initié le problème. Trump a juste ouvert la valve.” Dans le pays où l’orientation politique construit l’identité sociale, les réseaux sociaux entretiennent le biais cognitif dans lequel baignent les Américains.» Les médias s’emparent de ces biais qui forment les croyances et répondent à un agenda. « Les Américains absorbent un discours médiatique et le consomment dans chaque aspect de leur vie » note Christian.

Angelo remarque aussi un clivage grandissant entre les deux camps entretenu par l’environnement médiatique et les réseaux sociaux. Des plateformes qui n’étaient pas aussi fertiles durant les années Obama. Il évoque les T-shirts “Biden n’est pas mon président” qu’il voit au supermarché. D’après lui, « les Américain.es ne remettent pas en question les arguments des médias, iels ont leurs idées et iels s’y collent.»

Jérôme Viala-Gaudefroy observe un désintérêt du républicanisme à la Trump par les chaînes qui l’ont longuement soutenu. « Beaucoup ont laissé Trump contrôlé le récit et en ont fait une créature médiatique. Même Fox News change de discours », sa candidature pour les présidentielles de 2024 ayant provoqué autant de ferveur que de lassitude chez ses soutiens.

Ainsi l’avenir de la démocratie américaine repose sur le bon vouloir de sa population. Elle est les fondations des institutions qui ne tiendront que si elle est là pour soutenir les piliers.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.