Ventes d’animaux sur internet : « Il y a énormément d’annonces qui ne respectent pas les règles »

En France, un foyer sur deux possède au moins un animal domestique. Et les ventes en ligne, qui représentent 80 % des ventes d’animaux en France, sont difficiles à encadrer : seulement 25 % des annonces sont réglementaires. La Cellule anti-trafic de la Société de protection des animaux (SPA) traque les vendeurs frauduleux et démantèle des trafics. Entretien.

Alors qu’un texte de loi a annoncé le 21 octobre l’interdiction progressive des ventes de chiens et chats en animalerie, la question d’un accroissement des achats en ligne se pose. Christelle S., ancienne gendarme reconvertie dans la lutte contre la vente illicite d’animaux au sein de la Cellule anti-trafic, située à Vichy, nous en dit plus sur ces pratiques.

Comment repérer les annonces frauduleuses ?
Nous sommes six salariés enquêteurs à la CAT (Cellule anti-trafic), entourés de plusieurs partenaires comme des vétérinaires, les douanes, la gendarmerie, les préfectures ou les parquets. Je suis moi-même ancienne gendarme, mais mon rôle est d’enquêter puis de faire les signalements aux autorités compétentes qui prennent le relais. Sur l’ensemble des signalements que l’on reçoit, il est fréquent que ce soient les éleveurs professionnels qui dénoncent les faux vendeurs, les annonces frauduleuses, ou les élevages qui ne respectent pas les règles élémentaires d’hygiène et de vente. Nous avons aussi des collaborateurs plus institutionnels, les services de l’administration et le Service de la protection animale. Et enfin, nous collaborons avec les procureurs lors des dépôts de plainte.

Après avoir repéré un trafic, quels sont vos moyens d’actions ?
Nous consultons les sites internet de ventes entre particuliers, notamment LeBonCoin. Les enquêteurs ont l’habitude de repérer les annonces ou les pseudos récurrents. Nous allons voir les mentions obligatoires dans l’annonce, comme les numéros de puce qui permettent de savoir d’où provient l’animal. Par exemple, une annonce présente un husky à vendre, mais on constate que la puce correspond à celle d’un chihuahua. C’est une erreur commune chez les trafiquants qui se contentent de voler un identifiant au hasard. En France, tous les numéros de puce doivent commencer par 250, cela permet de repérer les animaux importés de l’étranger illégalement. Il y a une succession de détails qui peuvent nous mettre sur la piste frauduleuse, comme un faux numéro de portée qui n’est pas inscrit au Livre des origines françaises (LOF) ou encore un faux numéro SIREN obligatoire pour l’éleveur. Ces points nous permettent d’identifier la validité de l’annonce.
Les photos qui accompagnent l’annonce jouent aussi un rôle, nous pouvons repérer l’environnement, les conditions de vie de l’animal et sa santé. Nous pouvons programmer des interventions rapides si on constate que les animaux sont dans des états préoccupants. Notre rôle est de traquer les ventes illégales mais aussi d’assurer la sécurité et le bien-être des animaux quand des maltraitances sont constatées.

Combien d’enquêtes mène votre cellule chaque année ?
La CAT reçoit environ 1 500 signalements par an, mais seulement un tiers d’entre eux vont déclencher une vérification de terrain. Au sein de ce tiers, nous distinguons plusieurs profils de vendeurs : La personne qui souhaite « arrondir ses fins de mois » et qui ment sur la pureté de la race de l’animal, ou celle qui ne respecte pas les mesures sanitaires minimales pour être autorisée à vendre des animaux. Dans ce cas de figure, nous faisons un simple rappel à la réglementation. Parfois, nous croisons des personnes qui génèrent beaucoup d’argent au détriment de la santé de l’animal, dont l’objectif est uniquement d’encaisser les profits. Dans ces cas-là, nous déposons plainte. Sur une année, ce sont entre 40 et 50 affaires qui vont en justice, avec des sanctions diverses comme l’interdiction de posséder un animal, d’exercer un métier en lien avec les animaux et jusqu’à des peines d’emprisonnement pour les affaires plus graves. Le nombre de signalements reste assez stable, excepté l’année dernière en raison de la pandémie. Les personnes étaient confinées et ont moins acheté d’animaux.

La proposition de loi du 29 janvier 2021, qui souhaite restreindre les ventes en ligne d’animaux aux refuges et aux éleveurs professionnels, peut-elle avoir un impact positif sur les ventes clandestines ?
Il y a énormément d’annonces qui ne respectent pas les règles. Internet est une vitrine efficace pour les vendeurs et ces réseaux existeront toujours, mais j’ai tendance à croire que grâce à cette loi, leur diffusion sera limitée. Cela ne peut aller que dans le bon sens si les plateformes comme LeBonCoin y mettent de la bonne volonté aussi. Toutefois, les réseaux très organisés vont continuer de prospérer malgré cette loi.

Votre cellule agit à échelle européenne, mais dans quelle mesure vos moyens d’actions s’appliquent hors du territoire national ?
Nous pouvons avoir accès à certaines informations mais nos moyens restent limités, notamment lorsqu’il s’agit de remonter un réseau clandestin jusqu’à des pays hors de l’Union Européenne. Nous ne sommes pas à l’initiative de cette coopération, mais nous pouvons faire passer des informations. Nos moyens d’actions dépendent beaucoup de la volonté des autres acteurs. Cela reste compliqué à gérer, la législation sur les fraudes est européenne mais elle n’est pas appliquée partout de la même manière. Nous pouvons identifier des réseaux, des éleveurs, des transporteurs, mais souvent la coopération s’arrête lorsqu’il s’agit d’interdire l’exercice d’un trafic dans d’autres pays.

Isaline Glévarec et Eva Proust

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.