Jonathan Daval le 16 novembre 2020, premier jour du procès. Crédits : Valentin Pasquier pour le JT de France3

L’œil des salles d’audience

Valentin Pasquier, journaliste et dessinateur, est pour les rédactions le rapporteur d’images des procès, là où le huis clos reste de mise. Ses derniers dessins d’audience retracent le procès Daval.

Le lundi 16 novembre 2020, Valentin Pasquier arrive au palais de justice de Vesoul. Là, se tient le procès Daval, où Jonathan Daval comparait pour le meurtre de sa femme Alexia en octobre 2017. Feuilles et aquarelles dans le sac, il attend de pouvoir accéder à la salle pour assister au choix des jurés et à la présentation des témoins à la barre. Mais les choses ne se passent pas comme prévu. Ce qu’il désigne comme la « petite anecdote du procès » ressemble à ce qui est le plus redouté par les journalistes : les refus. Les magistrats ne veulent pas que les dessinateurs aient accès à la salle d’audience. Mais le JT de midi n’attend pas : « Les rédactions demandaient expressément un dessin de Daval dans la matinée pour savoir s’il avait changé, ce qu’il était devenu, s’il s’était laissé pousser la barbe, s’il avait perdu ou gagner des kilos. La prison ça change un homme. » A 11h30, le refus catégorique s’est finalement transformé en ouverture des portes, laissant quinze minutes au dessinateur pour « griffonner un premier portrait » et l’envoyer « en système D » par WhatsApp à la rédaction de France TV.

« Pour pouvoir dessiner l’entièreté de son visage je me mettais debout pour le voir en contre plongée. Je prenais deux angles différents et je les associais. Le but est d’avoir toutes les infos sur le dessin sans manipuler l’information. »

La capacité d’adaptation est une qualité dont il faut être pourvu. Dans un « monde idéal », Valentin Pasquier peut jouer les globes trotteurs du procès. Une « chaise volante » lui est réservé, qu’il peut déplacer à sa guise pour « varier les angles, dessiner les gens assis, qui passent à la barre, éventuellement la cour.» Corps mouvant mais esprit concentré, il cherche d’un œil ce qui fera le prochain dessin pendant que l’autre peaufine le premier. Pour le procès Daval, les conditions sont « très très particulières ». Les chaises sont restées clouées au sol par une super-glue appelée mesures sanitaires. Il a fallu trouver des stratagèmes pour ne pas avoir pour seule illustration les sourcils de Jonathan Daval. « Avec le dessin on peut “s’arranger un peu avec la réalité” mais il s’agit d’un bon équilibre à trouver. Lorsque l’accusé était assis on ne voyait que ses sourcils à cause du box dans lequel il était. Pour pouvoir dessiner l’entièreté de son visage je me mettais debout pour le voir en contre plongée. Je prenais deux angles différents et je les associais. Le but est d’avoir toutes les infos sur le dessin sans manipuler l’information. » Mais le journalisme est de toute façon « toujours un peu subjectif ».

Quatre dessins par jour

Même si la portée journalistique des dessins de presse reste incontestable, Valentin Pasquier cultive néanmoins une âme d’artiste. Accorder une importance aux « colories assez variées », à la possibilité d’ « obtenir des reliefs » ; donner de « l’intensité aux couleurs en mélangeant l’aquarelle à l’acrylique », mais aussi jouer sur les ombres, et utiliser l’encre de chine, parfois, pour faire des traits « dans le style BD ». Subtil mélange entre art et information, le dessin reste le récit des événements. Il faut donc garder à l’esprit que l’objectif est de rendre visible les secrets de la salle d’audience. Prendre plus ou moins de temps pour figer les faits sur le papier est à l’appréciation du détenteur des crayons : « On garde à l’esprit le planning de la journée, on sait évaluer si un témoin va rester longtemps ou pas. Quand on sait que ça va durer on peut se permettre de faire durer le dessin, le détailler, le fignoler. »

Ce qui fait un bon dessin ? « Des critères propres à chacun » répond Valentin Pasquier. Car même si le journalisme est subjectif, les qualités d’un bon dessin le sont encore plus. Avec une moyenne de quatre dessins par jour, le choix est significatif. Entre discours et mouvement, les dessins doivent retransmettre « Un moment précis d’un procès, un geste particulier, une parole particulière, une expression. Quelque-chose qui soit vraiment dynamique, qu’il y ait du vivant, une gestuelle significative. »

Puisque chacun a ses préférences, celles de Valentin Pasquier s’orientent plutôt vers les avocats. En tant que véritables orateurs à l’expression distincte et aux postures démonstratives, ils regroupent ce qui attire l’œil de notre dessinateur.

Installé parmi les 41 journalistes autorisés à couvrir le procès Daval, muni de sa carte de presse et de ses feuilles à dessin, il observe sans sourciller les détails qui font l’histoire.

Le verdict tombe : 25 ans de prison pour Jonathan Daval, des dizaines de dessins sous le bras pour Valentin Pasquier.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.