Le discord des Insoumis : autogestion et séduction des jeunes

En annonçant sa participation aux élections présidentielles de 2022, Jean-Luc Mélenchon a relancé les ambitions de ses partisans. Leur but : stimuler la visibilité des idées de la France Insoumise auprès des jeunes. Une immersion au sein de leur serveur de discussion Discord révèle l’implication des insoumis à mener des projets participatifs.

En 2016, la création du serveur Discord a été initiée par les Insoumis eux-mêmes qui ont vu en ce serveur de discussion autogéré la possibilité de « réinventer le militantisme numérique » en répondant à une volonté de décentralisation des idées par l’initiative citoyenne. Décrit comme un espace de travail collaboratif, les partisans peuvent mettre à profit leurs compétences, en défendant les valeurs de ce mouvement de gauche.

L’intégration du serveur a été rapide et l’accueil chaleureux. J’ai pu y trouver des discussions sur des sujets d’actualité et de politique, comme la Covid-19 ou les prochaines élections présidentielles. Il est essentiellement question d’échange d’informations et de recherche de solutions pour répondre aux problématiques actuelles.

Discord, révélateur du pouvoir de l’autogestion des insoumis

Aujourd’hui, le serveur compte une cinquantaine d’actifs répartis sur différents réseaux spécialisés comme « information », « discussion », « volontaires » ainsi que des salons vocaux via lesquels sont organisés des débats hebdomadaires pour discuter des projets futurs. Le serveur est dans la majeure partie accessible librement. Deux réseaux appelés « organisation projet 1 » et « projet 2 », sont eux privés et soumis à la sélection pour ne pas divulguer d’informations sur les projets en cours.

Sur le serveur, les rôles ont été répartis en fonction des engagements de chacun. On peut y être membre du « staff », modérateur, chargé des projets ou des animations, mais aussi simple collaborateur. Toutefois, la hiérarchisation des statuts n’est qu’un moyen d’appuyer le caractère autogéré de cet espace, car la gestion du serveur est entièrement bénévole et les élus de la France Insoumise n’interviennent pas directement dans les projets qui y sont menés.

Animation réalisée par les bénévoles du serveur dans le but d’exposer des idées de la France Insoumis sur internet

Donner « l’envie d’aller voter »

Désormais, il s’agit pour les partisans de déterminer ce qui a pu manquer à la campagne de 2017 et d’adapter les projets pour qu’ils correspondent aux attentes des nouveaux électeurs dans un contexte de crise politique et sociale. En 2017, Marianne analysait déjà que Le Discord des Insoumis [avait participé] à la percée de Mélenchon chez les jeunes votants en maîtrisant l’art d’une viralité indispensable sur le web ».

En particulier, l’absentéisme est un des sujets décisifs pour les internautes. Il s’élevait à 52 % chez les jeunes en 2017. Toutefois, parce que c’est la France Insoumise qui s’était imposée comme le parti en tête chez les 25-30 ans, les Insoumis y voit un point de force majeure pour rallier les jeunes encore indécis. Pour cet électorat qui souffre d’un décalage avec la politique du pays, l’enjeu est de casser les idées reçues. Selon Syramos54, pour « demander aux jeunes d’adopter des codes politiques et de s’intéresser à notre combat, ça passe aussi par comprendre leurs codes et leur langage. De les assimiler plutôt que de les imiter de manière superficielle. »

Pour donner « l’envie d’aller voter », les militants défendent l’idée d’un « rajeunissement » des activités et du programme. Ils proposent de travailler pour « entretenir un aspect ouvert aux gens et à l’actualité, dans le vent de la culture internet ». Le rajeunissement passe aussi par une nouvelle forme de communication, celle de « l’auto-dérision qui est vu comme « un excellent coup de com’ » pour un personnage déjà connu pour susciter « la sympathie et l’humour ».

Une opération de communication efficace

Sous le pseudonyme de Lakao, un autre internaute propose « la création d’une équipe de visualisation de l’information ». Elle permettrait de « donner une meilleure vision d’ensemble » sur l’actualité politique en commentant les différentes lois ou propositions échangées à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Le but pour ces militants est bel et bien de capter l’attention de nouveaux sympathisants en abolissant les mythes sur l’aspect barbant et pénible de la politique. Leur stratégie est donc de développer des projets novateurs dans le secteur de la communication politique à l’aide des plateformes numériques. Les insoumis pensent notamment continuer à surfer sur la mode des jeux-vidéos en période électorale. Après le succès de leur jeu Fiscal Kombat, ils envisagent de développer un nouveau jeu sur la forme du casse-tête « Baba is you ». D’autres projets comme la création d’une application sur smartphone ou encore de clips musicaux en lien avec la campagne sont aussi en cours de conception.

*Jean-Luc Mélenchon

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.