Twitter Loi sécurité globale

Page twitter du compte @leurvraivisage

Loi sécurité globale : la Belgique mobilisée

Face à la proposition de loi française pour la Sécurité Globale, la Belgique se montre solidaire sur les réseaux sociaux, comme le compte Twitter @LeurVraivisage : “ Filmez la police, nous diffuserons ”.

Adoptée par l’Assemblée nationale française depuis le 24 novembre 2020, la proposition de loi “ Sécurité globale ” a mobilisé les foules. Alors qu’elle doit être examinée par le Sénat en janvier 2021, elle interdirait, dans son article 24, la diffusion d’images portant “ atteinte à l’intégrité physique ou psychique ” des forces de l’ordre et implique un floutage des visages de celles-ci en service. Un article considéré comme extrêmement liberticide selon de nombreux médias, syndicats et associations. Le projet de loi a fait parler de lui au-delà de l’hexagone.  

À l’étranger le projet de loi inquiète 

Face à ces répressions de liberté d’expression, les réseaux sociaux se mobilisent. C’est le cas notamment du compte twitter belge @LeurVraivisage, qui se donne pour mission de publier les photos de violences policières françaises. “ Filmez la police, nous diffuserons ”, tel est le crédo de cette page, comptabilisant maintenant plus de 50 000 abonnés. Le compte est né en réaction à “ la montée autoritaire constatée en France, et en réaction contre les lois qui visent à museler la diffusion sur les réseaux sociaux ”, expliquent les créateurs, qui n’ont toutefois pas souhaité montrer “leurs vrais visages”, en restant anonymes. 

Loin d’un véritable travail journalistique, ce compte twitter relaye les images de violences policières qu’on leur envoie par message privé, en les anonymisant au maximum. Le compte ne procède à aucune vérification : “ On n’a ni le temps ni les compétences pour cela ”. Une initiative citoyenne qu’ils déclarent détachée de toute position politique. “ Les médias indépendants font un travail très important d’information et de diffusion d’images de violences policières. Nous sommes juste un maillon de la chaîne. On pense que cela encourage les Français de savoir qu’ils ont du soutien à l’extérieur. Vue de l’étranger, cette montée autoritaire actuelle est inquiétante et anormale ”, ajoutent-ils. 

Depuis sa création, le compte belge reçoit de nombreux messages d’encouragement et continue de poster régulièrement images ou vidéos témoignages d’actes violents perpétrés par les forces de l’ordre. Le compte Twitter @LeurVraivisage, qui jouit d’une grande popularité, n’est pas le premier à vouloir relayer des images de violences policières. En effet, le journaliste David Dufresne est également connu pour dénoncer les dérives des forces de l’ordre via, là encore, la plateforme Twitter. De nombreuses fois, des images publiées sur les réseaux sociaux ont été le point de départ de procédures punitives, témoignages de dérives de l’exécutif, en témoigne, entre autres, l’épineuse affaire Benalla en 2018.

Internet : des frontières législatives floues

L’initiative n’est pourtant pas imperméable à la législation française. Selon Maître Thomas Fourrey, avocat en droit pénal et droit de la communication : “ à partir du moment où les images sont diffusées sur le territoire français (or c’est le cas avec les réseaux sociaux), la loi française peut s’appliquer ”. Ce, même si le compte est créé en Belgique. Si aucune règle n’est fixée par la loi, un juge peut décider d’une poursuite ou non selon l’appréciation de chaque cas. 

Selon l’avocat, si une publication est attaquée pour délit (diffamatoire, par exemple), le juge prendra en compte en quelle langue cette dite publication a été écrite, à quel public elle est destinée, ainsi que le lieu de commission du supposé délit. “ Pour les publications postées internet, et plus particulièrement, sur les réseaux sociaux, le lieu de publication, c’est le monde entier ! ” précise Maître Fourrey. Il poursuit : “ le fait que ce compte soit belge ne lui permet pas d’échapper à d’éventuelles poursuites ”. Législativement, un policier français peut ainsi attaquer pour diffamation une personne résidant hors des frontières de l’hexagone. 

Au-delà d’une mobilisation sur internet, la Belgique a également apporté son soutien en manifestant dans la rue. Malgré le confinement, de nombreux syndicats belges s’étaient réunis à Bruxelles dans le but d’interpeller l’Union européenne pour “atteinte à l’État de droit”. Un soutien fort puisque la capitale de la Belgique, qui abrite de nombreux sièges, est considérée de facto comme la capitale de l’Union des 27.

De son côté, la commission est restée très vague sur le projet de loi pour la sécurité globale : “ La Commission s’abstient de commenter des projets de loi, mais il va sans dire qu’en période de crise, il est plus important que jamais que les journalistes puissent faire leur travail librement et en toute sécurité ”, s’est expliqué Christian Wigand, porte-parole de l’exécutif européen pour l’AFP. La Belgique n’est pas le seul pays frontalier à se sentir concerné, comme en Suisse, par exemple, où le projet de loi français a relancé la question des images de forces de l’ordre sur les réseaux sociaux.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.