Sensibilisation sur le clavier des langues africaines.

Les langues africaines au cœur de la digitalisation

En Afrique, où près de 2000 langues sont parlées, un entrepreneur béninois s’engage dans la promotion digitale des langues béninoises et africaines. Parti des citations en langue nationale Fongbé, il a créé en 2020 une application mobile pour écrire les langues africaines.

C’est sur sa plateforme « I am Your Clounon » (« Je suis ton chef ») fondée en 2018 que Bill Fabroni Yoclounon, journaliste-communicant, mène son combat de défense des langues africaines. Il crée en 2020, le ‘‘Clavier fongbé et des langues nationales’’, ce qui étend son action à l’Afrique. Cette application permet non seulement d’écrire les 56 langues du pays mais également les langues africaines qui utilisent les mêmes diacritiques tels que le Yoruba au Nigéria, l’Ewé au Togo, le Wolof au Sénégal. « Comme on ne peut écrire l’Arabe et le Chinois avec un clavier Français, c’est ainsi qu’on ne peut écrire le Fongbé et les langues béninoises avec un clavier qui ne prend pas en compte toutes les lettres et les caractères spéciaux », justifie M. Yoclounon. Lancée sur fonds propres, il travaille avec une équipe permanente de trois membre : un développeur d’application et un graphiste puis des collaborateurs externes. Basé sur le crédo, « I am Yourclounon : le numérique au service de la culture, il enchaîne rapidement une tournée nationale pour présenter son œuvre téléchargée par 5000 personnes.

Selon Ephrem Houalakouè, formateur en langue Fon (diminutif de Fongbé), les claviers en langues africaines sont indispensables. « C’est un atout pour nous linguistes, enseignants de langues et chercheurs. Parfois nous avons envie de transcrire ce que nous écrivons à la main mais nous n’avons pas la possibilité de l’écrire avec l’alphabet français et le ton approprié ». Le clavier dispose d’un système prédictif, d’une saisie vocale, des Emojis et contient les liens vers les stickers en Fongbé.

Sa première application téléchargée plus de 100 000 fois

Stickers en Fon. ©I am Your Clounon

Avant le ‘‘Clavier fongbé et des langues nationales’’, Bill Fabroni et son équipe ont développé une première application dont les résultats ont été motivants. Inspiré par les stickers de WhatsApp, l’entrepreneur  lance le 10 janvier 2019 l’application mobile sticker en Fongbé.  Pour un premier essai, il reproduit 50 stickers téléchargées sur internet auxquelles il intègre une traduction en Fon des expressions des visages.  Après plus de 25.000 téléchargements le premier mois, il décide de créer des stickers à la peau mate avec un lexique pour toute personne ne comprenant pas la langue. Il crée ainsi 221 stickers avec cette fois-ci des mots et expressions quotidiennement employés dans les rues béninoises. L’application a obtenu à ce jour plus de 100.000 téléchargements sur Play store.

J’ai appris à écrire avec la bible

Prénom béninois de la semaine. ©I am Your Clounon

Selon le linguiste Marcel Diki Kidiri dans Comment assurer la présence d’une langue dans le cyberespace, la langue maternelle est le premier véhicule pour la liberté d’expression. Comme tout enfant ayant grandi à Cotonou, plus grande ville du Bénin, M. Yoclounon comprend et s’exprime en Fon, langue la plus parlée après le français. Il débute ses projets avec comme objectif premier le partage des dictons, citations de motivations proverbes existants en langue Fon. Il crée ainsi la page Facebook « Citations en Fongbé ». Après des commentaires sur ses citations écrites en Fon avec les lettres de l’alphabet français uniquement, il s’auto forme à l’écriture du Fon avec l’utilisation des diacritiques. « Pour le bien-être de la langue, il fallait utiliser l’orthographe juste. J’ai appris à écrire en lisant des bouquins notamment la bible en Fon qui est un dictionnaire parce que tous les tons et registres s’y retrouvent ». Grâce aux chansons des années 60, il collecte également de vieilles citations et expressions qu’il traduit brièvement en langue française lors de ses publications. Il partage aussi sur sa plateforme les panégyriques et les calendriers avec des prénoms en Fon.

La sauvegarde de la langue est cruciale

D’après Ephrem Houalakouè, des personnes scolarisées se forment de plus en plus à l’écriture de leurs langues maternelles parce qu’elles en mesurent l’importance  pour  leur identité. Selon l’UNESCO, « Les langues sont les principaux outils de l’humanité pour interagir et exprimer des idées, des émotions, des connaissances, des souvenirs et des valeurs. […]La sauvegarde de la langue en danger est donc une tâche cruciale pour le maintien de la diversité culturelle dans le monde ». Bill Yoclounon estime que sa plateforme apporte un plus et qu’« il revient à chacun d’apprendre à écrire sa langue».

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.