Violences entre manifestants et policiers le 20 octobre. AFP.

Une vague de terreur s’abat en Guinée suite à la réélection d’Alpha Condé

Depuis le 18 octobre, date de la victoire d’Alpha Condé, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre auraient causé la mort de 46 personnes selon l’opposition. Les Peuls seraient les plus touchés par les violences.

« En Guinée, on ne vit plus, on ne survit même plus, on meurt. »
C’est ainsi que Sidy Yansané, journaliste spécialisé dans les thématiques en
lien avec la Guinée, décrit la situation actuelle dans son pays. Depuis le 18
octobre, date de l’élection présidentielle en Guinée, le bilan des violences
est lourd : 46 personnes ont été tuées selon l’opposition. La plupart seraient des Peuls, un des groupes ethniques en Guinée, supportant l’opposant Cellou Dalein Diallo.  Oumar Totiya Barry, enseignant-chercheur à l’Université la Source à Conakry, dénonce le nombre de mort annoncé par l’État.
Selon lui, il sous-estimerait la réalité des faits : « le gouvernement
dit qu’il y a 30 morts : il cherche à masquer les informations parce qu’il
y a eu des enfants visés par balles par les forces de l’ordre 
».

Dans ce pays, l’insécurité et l’inquiétude ne datent pas d’hier. Selon
Hammady Chérif Bah, journaliste guinéen et membre de Reporters
Solidaires : « aucune justice n’a été faite pour les plus de 250
manifestants qui ont été tués depuis l’arrivée du président au pouvoir en 2010

». Ce journaliste montre pour preuve des images satellites qui ont été
prises  par Amnesty International. Selon Oumar Totiya Bary, s’il n’y a
aucune justice pour les Peuls, cela est dû à l’installation d’« un
sentiment national de l’État qui est pour une communauté
(Malinkés) et
contre une autre communauté
(Peuls).»

« Les Peuls c’est les juifs d’Afrique »

La réélection d’Alpha Condé est une défaite pour l’opposant Cellou Dalein
Diallo, qui selon certains guinéens représenterait les Peuls. « La
communauté Peul pense être spécialement visée et martyrisée et cela devient une habitude, ce qui est très dangereux pour l’avenir
», explique Sidy
Yansané. La rupture de ces deux groupes ethniques se manifeste aussi par la division de la capitale Conakry. Yady Camara, un ancien chargé de communication d’Alpha Condé, décrit cette évolution dangereuse : « Sur  les
deux axes routiers séparent la ville, les Peuls se regroupent derrière
‘‘L’Axe’’ et c’est là où des maisons ont été brulées et des manifestants tués

». La rivalité ethnique entre Malinkés et Peuls a marqué l’histoire du pays.
Selon Sidy Yansané, « Les Peuls c’est les juifs d’Afrique : c’est les gens qui font du commerce, c’est des nomades. Certains ont peur que s’ils viennent au pouvoir, tous les autres de la région vont peupler la Guinée. Ça n’a aucun sens mais c’est la raison pour laquelle à mon avis Cellou Dalein Diallo a du mal à se faire élire ». Suite à l’auto-proclamation de Cellou Dalein Diallo en tant que vainqueur de la présidentielle le 19 octobre, ses partisans étaient descendus dans les rues pour célébrer leur réussite. Les scènes de joie n’ont pas duré longtemps après l’annonce des résultats officiels qui seraient truqués selon le leader de l’opposition.

« Leur plan : rester le plus longtemps possible au pouvoir»

L’auto-proclamation de Cellou Dalein Diallo était justifiée par un
logiciel qu’il avait mis en place le jour de l’élection. Amadou Oury Bah,
secrétaire général de l’association des Jeunes Étudiants Guinéens de France,
l’indique : « À chaque fois que l’on finissait de compter les résultats, on prenait des photos et il y avait une base de données qui gérait ça ». C’est grâce à ces preuves que l’opposition accuse le Céni (La Commission électorale nationale indépendante), chargé d’organiser les élections, d’avoir publié des résultats truqués.

Thierno Diallo, journaliste membre de la Fédération des Associations
Guinéennes de Hauts-de France, exprime son indifférence vis-à-vis de la
politisation des institutions en Guinée : « Le Céni est composé
de membres de parti politique. Il est au service de l’exécutif comme les autres
institutions.
». Pourtant, Alpha Condé était le premier président à avoir
été élu démocratiquement en 2010. Aujourd’hui, son plan serait de « rester
le plus longtemps possible au pouvoir 
» d’après Sidy Yansané, qui dit
 qu’en Guinée « rien n’indique un avenir meilleur. ». Pourl’instant, le seul souhait de beaucoup de guinéens serait la fin de la terreur comme l’exprime Amadou Oury Bah : « J’ai peur et je suis inquiet comme tous les étudiants ayant de la famille en Guinée. On a tous le même souhait : la fin des violences en Guinée. »



Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.