Violences conjugales et confinement : une situation à haut risque

[Article initialement rédigé en mars 2020]

La situation de confinement inédite provoque des inquiétudes supplémentaires concernant les violences conjugales. Les numéros d’urgence restent ouverts et les associations se mobilisent, mais porter assistance aux victimes est particulièrement compliqué.

Un premier cas est venu confirmer les inquiétudes des associations de lutte contre les violences conjugales, particulièrement importantes lors des périodes de confinement. A Sablé-sur-Sarthe, commune des environs du Mans, un homme s’en est pris violemment à sa compagne entre le 18 et le 21 mars. Jugé lundi 23 mars dans le cadre d’une comparution immédiate, il a alors expliqué qu’il « ne supporte pas le confinement ».[1] Les associations craignent que ce soit le premier d’une longue série. « Les hommes violents vont trouver dans cette cohabitation ininterrompue encore plus de prétextes pour se déchaîner et les cycles de la violence vont probablement s’accentuer »[2], confie Elisabeth Liotard, directrice de l’association lyonnaise Viffil-SOS femmes, au Monde.  

La solidarité en action

Le 3919, le numéro d’écoute pour les femmes victimes de violences conjugales, reste fonctionnel sous la supervision de la Fédération nationale solidarités femmes. Mais sa présidente Françoise Brié alerte : « Les femmes utilisent en général ce numéro lorsqu’elles sont sur leur lieu de travail ou lorsque l’agresseur l’est lui-même, en dehors du domicile». Le confinement réduit donc les possibilités pour les victimes d’appeler à l’aide, alors que les horaires d’ouverture de la plateforme téléphonique sont réduits de 9h à 19h au lieu de 22h. La solidarité entre voisin.es est donc d’autant plus primordiale. L’application App-elles permet également aux victimes d’alerter des contacts prédéfinis en cas d’urgence. 

En France, la Secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, a déclaré à Médiapart : « Nous faisons un point deux fois par semaine avec les associations qui viennent en aide aux femmes victimes ». Marion Athiel, responsable du service d’aides aux victimes de violences sexistes pour le centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du Rhône, nuance cette déclaration : « Le lien est surtout fait avec quelques associations nationales. Nous avons appris la nouvelle mesure dans les médias comme tout le monde ». 

En effet, après avoir fait état d’une hausse des interventions pour violences conjugales de 32% à 36% selon les zones géographiques pour la première semaine de confinement, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a déclaré la mise en place d’un nouveau dispositif. Les victimes peuvent désormais donner l’alerte dans les pharmacies, avec entre autres un code secret : je voudrais un masque 19. Mais le CIDFF s’interroge : comment communiquer à grande échelle un code secret ? 

Une prise en charge compliquée

Marion Athiel le rappelle également : il est toujours possible de demander une ordonnance de protection, accordée par le ou la juge des affaires familiales, qui peut être obtenue sans avoir porté plainte et avec un formulaire accessible en ligne. Le conjoint violent pourra alors être sommé de se confiner hors du domicile familial. Dans le Rhône, la permanence téléphonique du CIDFF reste ouverte quelques heures par jour sur la base du volontariat des salarié.es, ainsi que par mail « qui est souvent moins surveillé que le téléphone par les conjoints », explique Marion Athiel. Ces permanences permettent de pallier les problèmes d’accessibilité des ressources en ligne (langue, matériel informatique…). 

Bien que toutes ces plateformes restent fonctionnelles, la prise en charge risque d’être plus difficile, tout comme la réaction des autorités policières et judiciaires, au ralenti. Les hôtels ferment alors que les lieux d’accueils étaient déjà bien pleins avant le confinement. « Un travail est en cours pour ouvrir des lieux temporaires », d’après Marion Athiel. Une mission de la plus haute importance alors que le confinement a été prolongé au moins jusqu’au 15 avril. En effet, l’exemple de la Chine, premier pays ayant adopté des mesures de confinement, montre que la situation a empiré sur les trois derniers mois. Wan Fei, un officier de police retraité et fondateur d’une association contre les violences domestiques, a confié à Sixth Tone que l’épidémie a eu un grand impact dans les foyers chinois. « D’après nos statistiques, 90% de ces violences sont reliées à l’épidémie du Covid-19. »[3]

Rappel :

  • Le 3919 est un numéro d’écoute 
  • Le 17 en cas d’urgence, pour les victimes ou les témoins
  • La plateforme https://arretonslesviolences.gouv.fr pour signaler une violence anonymement et gratuitement reste ouverte 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.
  • Permanence téléphonique du CIDFF du Rhône ouverte du lundi au vendredi de 10h à 13h au 04 78 39 32 25 ou par mail lyon.contact@cidffrhone.fr

[1] https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/sable-sur-sarthe-72300/sable-sur-sarthe-il-ne-supporte-pas-le-confinement-un-sabolien-s-en-prend-a-sa-compagne-d32e1844-6d25-11ea-8c90-8c4540159bf3

[2] https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/03/25/coronavirus-les-associations-craignent-une-aggravation-des-violences-conjugales_6034370_3224.html

[3] https://www.sixthtone.com/news/1005253/domestic-violence-cases-surge-during-covid-19-epidemic


Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.