Image d'illustration

Image d'illustration

Religion à l’école : le sujet de la discorde

Suspendu pour avoir lu des extraits de la Bible à ses élèves, le cas du maitre d’école Matthieu Faucher révèle le tabou sur la place de la religion en milieu scolaire. Isabelle Saint-Martin, experte de la question, appelle à banaliser l’enseignement du « fait- religieux » au nom de la laïcité. 

Brigitte Macron, en visite dans un collège parisien le 14 octobre dernier, a fait la polémique en affirmant qu’ « on ne parle pas religion à l’école ». Ce sujet, très controversé dans les milieux scolaires a même coûté son poste à Matthieu Faucher, enseignant dans une école élémentaire à Malicornay (36). Celui-ci a été suspendu par le rectorat en 2017 pour avoir lu des extraits de la Bible à sa classe de CM1-CM2. Une lecture qu’il justifie par la curiosité des enfants : « les élèves sont demandeurs de comprendre l’univers dans lequel ils vivent ». Cette procédure d’exclusion, le maître d’école la juge «brutale, parfaitement inutile et « disproportionnée » ». A l’heure actuelle, Matthieu Faucher n’a toujours pas retrouvé son poste qu’il était supposé reprendre à la rentrée 2019. Le ministère a fait appel à la justice cet été pour l’en empêcher. Un fait qu’il n’a appris que « très tardivement », au mois d’octobre. Aujourd’hui il attend la décision de justice quant à son cas, en se remémorant les premiers reproches adressés à son encontre : « Les premiers mots du Directeur académique de l’Indre ont été de s’interroger à haute voix si j’étais « un dangereux prosélyte ou un parfait imbécile ».

« Il y a une très forte hostilité vis-à-vis de la religion »

Pour Matthieu Faucher, l’idée d’un tabou sur la question religieuse dans les écoles ne se discute pas : « Comme j’ai eu l’occasion de m’en rendre compte, il y a dans la hiérarchie de l’éducation nationale une très forte hostilité vis-à-vis de la religion, vue comme une entité néfaste que l’école aurait le devoir de combattre. ». Pour lui, pas question non plus de favoriser une religion plus qu’une autre : « Il faut enseigner tous les faits religieux, notamment l’Islam, tant son influence à augmenter ces dernières années ». Dans un article du magazine Le point, Isabelle Saint- Martin, auteure du livre « Peut-on parler des religions à l’école ? » confirme qu’il y a des critiques tant du camp des laïques que des religieux, « Il y a eu d’un côté une crainte du relativisme, car on met toutes les religions sur le même plan et, d’un autre côté, on a pu entendre : « Vous allez renforcer les assignations ! » ». Pourtant la religion est fortement présente dans l’actualité, et les enfants, peu importe leur croyance y sont exposé, et pose des questions, comme le souligne Isabelle-Saint-Martin « Pourquoi l’école devrait être le seul lieu où l’on n’en parle pas, il faut éviter le déni, mais il faut pouvoir l’aborder de manière laïque. ».

Pour comprendre comment s’établit la laïcité dans les milieux scolaires, il faut s’intéresser au rapport Régis Debray, commandé en 2002 par le ministre de l’Éducation nationale Jack Lang, dans lequel l’auteure Isabelle Saint-Martin s’est elle-même impliquée. Celle-ci explique qu’«il a contribué à banaliser en partie le sujet pour qu’un enseignant qui aborde ces questions à l’école ne soit pas immédiatement suspecté d’arrière-pensées prosélytes ». L’instituteur Matthieu Faucher complète cette présentation en citant le rapport lui-même : « La laïcité n’est pas une option spirituelle parmi d’autres, elle est ce qui rend possible leur coexistence, car ce qui est commun en droit à tous les hommes doit avoir le pas sur ce qui les sépare en fait. »

La présence essentielle du « fait-religieux »

« S’il faut être strict sur les comportements ostentatoires en milieu scolaire, une laïcité qui interdirait de parler de religion à l’école serait tout sauf une laïcité intelligente », affirme Matthieu Faucher. Priver les enfants d’une éducation aux faits-religieux, c’est leur empêcher la compréhension du monde qui les entoure, c’est ce qu’explique Isabelle Saint-Martin : « Quelle que soit la baisse de la pratique en France notamment, le religieux n’a pas disparu du monde contemporain. ». Cet enseignement ne doit donc pas se faire de n’importe quelle manière, puisqu’il ne s’agit pas de leur transmettre la foi, mais plutôt de leur enseigner le « fait- religieux ». Appellation dérivée du « fait-social » de Max et Durkheim, il pourrait entre autres, être enseigné par le biais de l’histoire de l’art ou des savants. Le risque étant selon elle, que l’école finisse par être l’unique lieu où le sujet n’est pas évoqué alors que sa présence est forte dans le monde extérieur. Ce tabou de la religion dans les écoles inquiète fortement Matthieu Faucher qui pense que « les jeunes générations risquent de ne pas pouvoir appréhender 1500 ans de civilisation ! C’est notre rôle d’enseignants de faire passer cette culture. ». Il semblerait donc qu’avant que la laïcité et la religion coexistent comme enseignement culturel en milieu scolaire, il y ait encore du chemin à parcourir.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.