Tableau représentant le monstre en spaghettis volants

"Touché par son appendice nouillesque", tableau parodiant "La création d'Adam" de Michel-Ange.

Le pastafarisme, la religion la plus saucée au monde

Le pastafarisme, religion parodique fondée en 2005, a attiré l’attention d’un réalisateur américain qui dévoile un documentaire sur ce sujet. Entre faux contacts amenant au standard de l’Elysée et histoire d’un monstre en spaghettis volant, retour sur ce mouvement conciliant absurde et religion.

Les images pourraient prêter à sourire : des hommes et femmes, de tout âge, se succèdent dans cette bande-annonce du documentaire « I, Pastafary » sorti en octobre 2019 aux Etats- Unis. Face caméra, d’un air déterminé, ils placent sur leur tête le symbole de foi : une passoire. Dans ce documentaire de Mike Arthur, réalisateur américain indépendant, les personnalités que l’on découvre résume in extenso la philosophie du pastafarisme.

Le pastafarisme voit ses lettres de noblesse s’établir au milieu des Grandes Plaines américaines, où les champs de blés s’étendent à l’horizon. En 2005, dans un courrier au Comité d’État, Bobby Henderson, étudiant à l’université d’Oregon, s’émeut de l’enseignement d’un seul courant religieux à l’école. Et demande, au nom de la diversité, qu’on enseigne sa religion : le pastafarisme, un mot dérivé de pasta (« pâtes » en anglais) et « rastafari », autre mouvement idéologique. Sa lettre, accompagné d’un dessin illustrant l’histoire, raconte qu’un soir, après une beuverie où le Monstre-Créateur avait certainement trop bu, le Monstre en Spaghettis Volant créait la Terre, en y plaçant deux montagnes et un nain.

La « pâte » de Bobby Henderson, le prophète

En 2006, Bobby Henderson se rend compte que ce mouvement devient important, notamment par Internet, et qu’il faut le recadrer, souhaitant éviter tout débordement. Il s’improvise prophète et rédige « L’évangile du Monstre en Spaghettis Volant » définissant un dogme. Évitant de crisper les membres, ce texte religieux tend à éviter les commandements : ce sera plutôt les 8 « Je préfère que vous soyez… ». Respect des autres religions, quête perpétuelle de faire le bien, … À partir de quel moment ce mouvement parodique devient une religion sérieuse ? C’est la question à laquelle tente de répondre le documentaire de Mike Arthur.

Symboles religieux, pratiques à suivre : le pastafarisme va se développer, à la limite de s’institutionnaliser. La passoire est l’outil permettant de recueillir les spaghettis après cuisson, elle deviendra donc couvre-chef distinctif. Pas de amen, ce sera « R’amen », rappelant les pâtes japonaises. Le vendredi, ce ne sera pas le jour du poisson mais plutôt le jour des spaghettis, garnies de boulettes de viande, à la sauce tomate. Enfin, pour être baptisé, rien de plus simple : avaler bruyamment et d’une traite un spaghetti pour ressentir la bénédiction pastafarienne. Et une phrase de reconnaissance : « Que sa Sainte Nouille vous touche toujours et partout ».

Mariage pastafarien et passoire identitaire

Se présentant comme étant la religion qui se développe le plus rapidement au monde, les pastafariens revendiquent dix millions d’adhérents. Des chiffres invérifiables. Aucun document officiel ne s’est penché sur ce sujet, et les sites des pastafariens sont difficilement fiables : peu importe le pays, ils sont tenus par des anonymes. Mais l’écriture ne laisse aucun doute : l’humour potache semble être un credo indéboulonnable. Nous avons tenté de contacter les représentants de l’Église Pastafarienne de France, grâce à un numéro que l’on retrouve sur de nombreux sites et pages Facebook du mouvement. Au bout du fil…Le standard de l’Élysée.

Dans un dossier de presse que nous a envoyé le réalisateur du documentaire, celui-ci se questionne : « Au final, qui dit que telle ou telle chose est ou n’est pas une religion ? ». Le documentaire, qui ne sera pas diffusé en France nous précise Mike Arthur, a suivi durant trois ans le parcours de pastafariens se battant pour la reconnaissance juridique de leur croyance. En exemple, Niko Alm, un membre du Parlement Autrichien, est le premier Pastafarien à avoir remporté légalement le droit de porter une passoire sur sa photo d’identité. Des combats de ce type, on en retrouve par centaine à l’international.

Faut-il s’inquiéter d’un mouvement difficilement observable ? Dans le monde, certains gouvernements comme la Nouvelle-Zélande reconnaissent l’idéologie, permettant des mariages pastafariens légalement valables. En France, c’est le flou juridique. Miviludes (la Mission Interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) renvoie aux textes de lois : aucune liste de secte n’est autorisé en France, selon la circulaire du 27 mai 2005. La Miviludes ne peut être saisi que sur des cas concrets, où elle peut exprimer et délivrer un avis.

Que ce soit du côté légal ou des pastafariens, beaucoup de questions restent sans réponse. Ce mouvement repose d’ailleurs sur cette différence majeure avec les autres religions : aucun système de régulation, pas d’organisations. Le pastafarisme pourrait se résumer à manger des pâtes, être heureux…et questionner la place des religions au sein de la société.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.