Beauté : quand le virtuel modifie le réel

« La mode Kim Kardashian (…) est bien présente », explique un chirurgien esthétique de Lyon. / Capture d’écran du compte Instagram de Kim Kardashian et photo libre de droit.

Un nez aquilin, des traits fins et délicats, de grands yeux aux cils démesurés, des lèvres pulpeuses… Les filtres des réseaux sociaux permettent à leurs utilisateurs de modifier leur apparence en profondeur, un phénomène qui va aujourd’hui très loin.

Snapchat dysmorphia, c’est le nom donné par le docteur Schulman, chirurgien plasticien à New York, à la pathologie qui cause à celui qui en est atteint une distorsion de la réalité de son corps, et plus particulièrement, de son visage. Son cerveau n’est plus en mesure de percevoir ses traits tels qu’ils sont réellement. Seule solution pour apparaître de même que derrière son écran : la chirurgie esthétique. Les premiers concernés par ce phénomène sont les jeunes.

En France, explosion des interventions esthétiques chez les millennials

En France, les jeunes qui ont entre 18 et 34 ans, ou millennials, ont pour la première fois dépassé la tranche des 50-60 ans en nombre d’interventions de chirurgie esthétique, révèle une enquête du Parisien en février 2019, à l’occasion de l’IMCAS, un congrès international consacré à la médecine et à la chirurgie esthétique. Désormais deuxièmes après les 35-50 ans à avoir recours à la chirurgie esthétique, les millennials constituent également la génération la plus imprégnée par les réseaux sociaux, selon les études réalisées par Hootsuite et We are social en France. Ultra-connectés, ils voient défiler en permanence des visages modelés par les filtres et des corps retouchés afin de correspondre aux nouveaux critères de beauté imposés par les réseaux sociaux. Une nouvelle idée d’une perfection corporelle difficile à atteindre et qui pousserait les jeunes à avoir recours aux médecins.
Pour une dermatologue de Grenoble qui ne souhaite pas donner son nom, la hausse des interventions esthétiques peut tout d’abord s’expliquer par le développement des actes non-chirurgicaux, comme les injections d’acide hyaluronique, moins cher et plus discret que le botox, qui fige les expressions. Ces injections d’acide hyaluronique permettent aux jeunes de modifier sensiblement leurs traits « pour un faible coût » tout en les « modifiant suffisamment pour coller un peu plus à leur apparence sur les réseaux sociaux ».
L’usage de la chirurgie esthétique, plus radicale, est opéré chez les jeunes lorsque les actes non-chirurgicaux ne suffisent plus.

Les réseaux sociaux en cause

Un chirurgien esthétique exerçant à Lyon et qui a bien voulu s’exprimer a, ces dernières années, constaté une « hausse des demandes, surtout au niveau de la médecine esthétique (injection volumatrice des lèvres en particulier) chez les patientes d’environ 20-25 ans ». Il ajoute que « la mode Kim Kardiashian, lèvres, fesses et seins très volumineux, est bien présente », malgré les prix élevés de ces actes chirurgicaux – comptez dans les 4 000 euros pour une augmentation mammaire à Lyon. Cette personnalité, très présente sur les réseaux sociaux, y affiche en effet ses courbes et est très suivie : elle comptabilise par exemple plus de 149 millions d’abonnés sur Instagram et chacun de ses postes est liké en masse.
Bien que n’ayant « jamais entendu parler » du terme « Snapchat dysmorphia », il a pourtant bien eu affaire à des patients souhaitant modifier leurs traits afin d’apparaître dans la vie tel que sur les réseaux sociaux. « La technique de réinjection de graisse au niveau des seins et des fesses est en hausse », ce qui est aujourd’hui « à la mode » car « très présent sur les réseaux sociaux », ajoute-t-il.
Mais parfois, ce sont les médecins mêmes qui font la promotion des actes de chirurgie esthétique.

Quand les médecins s’y mettent

Bien que la publicité faite par les médecins pour les interventions qu’ils proposent soit contraire à la déontologie médicale, nombre d’entre eux n’hésitent plus à utiliser les réseaux sociaux pour rendre visibles les services qu’ils proposent et mettre en avant leurs – bons – résultats.
Ces derniers sont facilement accessibles aux jeunes utilisateurs des réseaux sociaux, qui voient apparaître des chirurgiens esthétiques aux côtés de personnalités ayant eu recours au bistouri. La clinique des Champs Elysées, à Paris, par exemple, a récemment recruté cinq personnes pour s’occuper de ses comptes Instagram, sur lesquels les équipes de chirurgie esthétique posent, parfois avec leurs clients, parfois devant les parties du corps dont ils s’occupent, toujours un sourire aux lèvres. Des apparitions fréquentes et rassurantes sur les réseaux sociaux dans le but de montrer aux utilisateurs des résultats qui satisfont des personnes connues et médiatisées et qui ne peuvent déplaire à celui ou à celle qui regarde la photographie, car les résultats montrés sont toujours excellents.

Cette nouvelle forme d’addiction risque de ne pas disparaître de si tôt : les filtres sur Snapchat étant sans cesse renouvelables et renouvelés, ils nourrissent en permanence la Snapchat dysmorphia.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.