Un conseil de déontologie journalistique voit le jour en France

L’Observatoire de la déontologie de l’information a annoncé le 25 novembre la création d’un Conseil de déontologie journalistique et de médiation. Il sera possible pour un citoyen de déposer plainte contre des médias. Déjà évoquée, la mise en place d’un tel dispositif irrite certains journalistes.

24 % des Français accordent leur confiance aux médias selon Reuters. Cette mauvaise perception a poussé certaines entreprises médiatiques à créer le 25 novembre le Conseil de déontologie journalistique et de médiation (CDJM). Fondé par l’Observatoire de la déontologie de l’information (ODI), ce sont dix journalistes, dix éditeurs de médias et dix représentants du public qui le composent. Une assemblée générale fondatrice s’est déroulée le 2 décembre à Paris.

L’Observatoire le définit comme un « organe professionnel d’autorégulation, indépendant de l’État ». L’objectif est d’en faire une « instance de médiation et d’arbitrage entre les médias, les rédactions et leurs publics ». Pour cela, le CDJM dissocie « ce qui ressort de l’information et ce qui est du domaine de l’expression libre mais non informative ». L’instance s’est notamment associée avec des syndicats comme le Syndicat National des Journalistes, des collectifs tels que Profession : Pigiste ou bien la Fédération française des agences de presse.

Quelques médias comme Mediacités, Brief.me ou Contexte ont apporté leur soutien. Nicolas Barriquand, rédacteur en chef de Mediacités Lyon, explique le ralliement : « Cela peut participer à un mouvement de reconquête, à restaurer un lien de confiance entre les citoyens et les journalistes.»

Des avis plutôt que des sanctions

« Ce n’est pas un ordre de journalistes, un tribunal de la pensée ou une instance de presse », ni « une instance étatique ou administrative », précise l’ODI. Dans les faits, l’instance a le droit de s’autosaisir et n’importe quel citoyen a la possibilité de porter plainte auprès du CDJM. Une fois la plainte reçue, le conseil émet un avis et non des sanctions financières ou pénales. Nicolas Barriquand rappelle qu’il ne s’agit pas d’un « conseil de discipline qui pourrait empêcher les journalistes de pratiquer leur métier. » L’instance « rejette toutes les plaintes concernant la ligne éditoriale ou les choix rédactionnels, qui restent libres et demeurent l’apanage des rédactions sous l’autorité du directeur de publication. »

« Une initiative du gouvernement »

L’idée d’un conseil de déontologie des journalistes a déjà été évoquée plusieurs fois par le gouvernement dans le passé. En juin dernier, le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, parlait d’un « conseil de l’ordre des journalistes » et la possibilité d’une intervention étatique. Devant les vives réactions des journalistes sur ses propos, il s’était aussitôt excusé. Parmi l’opposition, le leader de la France Insoumise Jean-Luc Mélenchon, fervent partisan de la création d’un conseil, s’est réjoui d’une telle initiative. Il appelle même à « l’appui du gouvernement et du législateur. »

En réponse au CDJM, dix-neuf sociétés des journalistes (SDJ) de nombreux médias comme l’AFP, France Info, Le Figaro, TF1 ou bien 20 Minutes ont signé une lettre ouverte de la SDJ de Mediapart expliquant leur absence au conseil. Elles estiment qu’« il s’agit d’une initiative du gouvernement. » En effet, le CDJM s’inspire d’un rapport commandé par l’ex-ministre de la culture Françoise Nyssen à Emmanuel Hoog. Celui-ci, ancien directeur de l’AFP et de l’INA, préconisait l’idée d’une instance gérée par des journalistes. « C’est un argument peu recevable. Ce projet porté par les syndicats date d’il y a plus de 15 ans. » réplique Nicolas Barriquand.

La liberté de la presse bafouée ?

Les SDJ signataires se questionnent sur l’utilité d’une telle instance. En effet, il existe déjà une charte déontologique spécifique à chaque rédaction, ainsi que la possibilité d’engager des poursuites judiciaires contre un média. Elles ajoutent également que « ce sont les lecteurs qui jugent les journalistes, pas les journalistes qui se jugent entre eux. »

En conclusion, les différentes SDJ pestent contre le CDJM qui s’inscrit dans une défiance du gouvernement envers le métier de journaliste, caractérisée par l’élaboration de deux lois : une sur les fausses nouvelles en période électorale qui permet à un juge de déterminer l’exactitude d’une information et l’autre sur le secret des affaires autorisant la saisie de tribunaux du commerce pour défendre l’opacité du monde économique et financier. Selon elles, ces « deux lois adoptées […] marquent un contournement de la loi de 1881 qui garantit déjà la libre pratique de notre métier et la libre information des citoyens. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.