Vue sur le Mékong, Laos

Vue sur le Mékong, Laos

Santé : Un projet rhônalpin pour l’accès à l’eau potable dans le Nord-Laos

Une entreprise lyonnaise et une association stéphanoise travaillent ensemble pour améliorer l’accès à une eau stérile dans le Nord du Laos. La nouveauté ? Leur machine est entièrement mécanique, donc n’utilise pas de produits chimiques tels que le chlore pour traiter l’eau.

Au Laos, les habitants consomment une eau contaminée par des nombreuses bactéries et des polluants chimiques. Les Laotiens de la province d’Oudomxay, dans le nord, sont particulièrement touchés par le manque d’accès à l’eau potable et à l’assainissement. Ce problème concerne également les dispensaires médicaux. L’ONG Peuples et Montagnes du Mékong (PMM), créée à Saint-Etienne en 2011, intervient dans ces lieux de vie et de soin. En collaboration avec Inovaya, entreprise basée dans le 6èmearrondissement de Lyon, elle a pour projet de permettre un accès à l’eau potable dans des villages reculés au Laos.

L’eau, un produit de luxe

« Quand on reviendra installer notre système, plein d’enfants parmi ceux qu’on a vus seront morts ». PourVietnam Huynh, ingénieur projet chez Inovaya, la situation est critique. Suite à sa visite en octobre 2018, il raconte que dans un village reculé, sans électricité, le chef attribue « au malin » environ 50 nouveaux cas de diarrhées sanguinolentes par mois. Suite aux analyses de l’eau bue quotidiennement, le mauvais esprit est vite identifié : l’ammoniaque. Le taux obtenu est plus de 14 fois supérieur à celui autorisé en France. Cancérigène, elle provient des engrais chimiques que les cultivateurs utilisent sur leurs champs. 

Pas de produits chimiques, c’est la grande innovation : un système de filtres qui permet d’alimenter en eau potable 1000 personnes pendant 10 ans.  Fabriquée en Belgique, cette machine n’est pas plus grande qu’une palette industrielle. Son procédé est entièrement mécanique, donc n’utilise pas de chlore comme la plupart des systèmes actuels :  une amélioration notoire puisqu’à long terme le chlore impacte les consommateurs. L’ingénieur le reconnaît, impossible de travailler sans les associations : « Ce sont elles qui vont concrétiser sur le terrain et nous informer sur les mœurs locales. L’objectif n’est pas d’installer un système que personne n’utilisera ».

Une collaboration sur le terrain 

Clémentine Etienne a passé un an à coordonner le projet. Basée à Luang Prabang, elle s’est investie en tant que volontaire internationale en service civique pour PMM.  Elle dénonce : « Au Laos, l’accès à l’eau potable est inexistant ou presque. Pourtant il y a énormément d’eau, de nombreuses entreprises chinoises ont des barrages hydrauliques ! ». 2% de la superficie du Laos est composée d’eau (0,4% pour la France). Arnaud Vontobel, représentant du GRET au Laos, explique que les décisions du gouvernement central desservent souvent les zones rurales, où vivent la majorité des 7,2 millions d’habitants.

Pour PMM, ce nouveau projet en lien avec l’eau s’inscrit comme la suite logique des missions existantes dans le domaine de la santé dans le nord du pays. « L’eau et la santé sont liées. Dans les dispensaires que nous soutenons, les accouchements se font avec l’eau de la rivière, qui n’est absolument pas propre ni stérile ». Clémentine a pu partir en mission exploratoire avec Inovaya. D’après elle, une collaboration entre une petite association et une jeune start-up présente des défis, il faut savoir concorder les attentes et les façons de procéder. Elle rejoint Vietnam Huynh sur l’importance d’adapter les machines aux populations : « Inovaya prend en compte l’odeur, la couleur de l’eau… C’est essentiel pour que les habitants acceptent de la boire ! ».

Un projet qui reste à financer

Comme tout projet caritatif, il faut maintenant trouver les financements nécessaires à l’installation de ces machines. D’après Inovaya, une machine coûte 30 000 euros. Clémentine explique qu’il faut écumer les ONG, les appels à projet, solliciter l’Agence Française de Développement… Dépendante du Ministère des Affaires Etrangères, cette dernière ne considère pas le Laos comme un pays prioritaire – pourtant ancien membre de l’Indochine française. 

Et une fois les machines installées, comment résoudre le problème de l’eau potable à une plus grande échelle ? A la première question, Inovaya répond en complétant chaque installation par une formation des populations, en y abordant la question des engrais et des pesticides en grande partie responsable de la contamination des eaux. Quant à la maintenance, si la start-up estime la durée de vie de son invention à 10 ans, la chargée de projet de PMM pense que former quelqu’un sur place à son entretien est essentiel. Deux solutions qui ont leurs limites. Une machine seule ne suffit pas à révolutionner les conditions de vie de tout un pays – mais permet déjà de les améliorer pour une population à échelle locale, et de prévenir de nombreux problèmes sanitaires. 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.