Cambridge Analytica : les données personnelles de 61 000 Belges récupérées via Facebook

Le géant américain Facebook a avoué avoir laissé les données d’une grande partie de ses utilisateurs à une entreprise spécialisée dans le “profilage psychographique”. Une situation irréversible pour ces internautes.

C’est le plus gros scandale que Facebook ait connu depuis sa création en 2004. Les données de 87 millions d’utilisateurs dans le monde ont été exploitées, à leur insu, par Cambridge Analytica. La société britannique s’est servie d’un quiz intitulé “thisisyourdigitallife”, conçu par Global Science Research, pour aspirer les données des utilisateurs. En acceptant de participer à ce questionnaire, ils laissaient en fait l’entreprise récupérer toutes leurs données. La vaste majorité des personnes touchées par cette fuite massive de données est originaire des Etats-Unis. Ils sont plus de 70 millions d’Américains à être concernés, mais des utilisateurs belges ont aussi été affectés. Les données personnelles de 60.957 habitants du plat pays auraient été récupérées via l’installation de l’application par seulement huit Belges au départ. Aux Etats-Unis, l’affaire fait surtout grand bruit car Cambridge Analytica est soupçonnée d’avoir utilisé ces données dans le cadre de la campagne présidentielle de Donald Trump. Un simple clic sur ce lien permet de savoir si nos données ont été utilisées.

Cette vidéo du “New York Times” permet de comprendre comment Cambridge Analytica a récupéré les données personnelles des utilisateurs de Facebook (en anglais) :

Au fil des années, Facebook a augmenté les capacités de sa plateforme, et a notamment permis à des entreprises tierces d’installer des applications via le site. Facebook a manqué de prudence et a permis à ces entreprises de collecter les données des utilisateurs. Aux prémices du réseau social, en acceptant de dévoiler nos propres données, nous donnions aussi accès aux données personnelles de nos amis, sans vraiment le savoir. Facebook n’avait pas été prudent à l’époque : quelqu’un qui installait une application via le site reconnaissait que les données personnelles de ses amis étaient accessibles.

Pour remédier à ce problème, plusieurs fois par an, Facebook modifie ses paramètres de confidentialité. Facebook a donc corrigé la faille et essaye d’aller vers le chemin de la rédemption, où les données personnelles des utilisateurs sont de plus en plus protégées. Mais le géant américain est face à un dilemme. Il a besoin de ces données pour vendre des applications et faire de la publicité ciblée. Mais il doit également rassurer les utilisateurs, en leur promettant que leurs données sont en sécurité. Il faut les convaincre qu’il faut peser le pour et le contre le plus intelligemment possible, entre l’utilisation gratuite de la plateforme et la cession d’informations personnelles.

Facebook redouble donc d’efforts pour verrouiller au maximum les données de ses utilisateurs. Toutefois, ce n’est pas très compliqué pour les entreprises tierces d’accéder aux données des utilisateurs. Dans cette usine à gaz qu’est Facebook, des personnes mal intentionnées trouvent facilement des failles pour récupérer des données.

Plusieurs associations de consommateurs ont rencontré des représentants de Facebook afin d’éclairer la situation et de faire le point sur les recours possibles pour les 61 000 Belges victimes de cette fuite de données. Julie Frère est la porte-parole de Test-achat, l’une des plus grosses associations de consommateurs belges. Elle explique : “on a trois demandes très claires à Facebook. La première, c’est une indemnisation des consommateurs victimes du scandale Cambridge Analytica. La deuxième, c‘est qu’on sait qu’une enquête est en cours et qui va peut-être révéler que d’autres applications ont eu accès aux données des utilisateurs. Là aussi, il faudra une indemnisation le cas échéant. Et la troisième demande, c’est une coopération renforcée entre Facebook et les organisations des consommateurs pour garantir un meilleur respect des droits des consommateurs au niveau de la vie privée”.

Tout, tout, tout, ils savent tout sur votre vie

Il y a 3 milliards d’utilisateurs des réseaux sociaux dans le monde (soit près de 8 internautes sur 10) et plus de 9 utilisateurs sur 10 accèdent au réseau depuis un smartphone. Facebook, Instagram, Twitter, YouTube, Snapchat, LinkedIn, tous ces réseaux sociaux sont dans le paysage digital déjà depuis un certain nombre d’années. De nombreux autres sont venus s’y ajouter, comme Musically (une sorte de karaoké qui cartonne chez les 12-25 ans), Hype (pour partager des vidéos interactives en direct) ou encore Zenly (pour localiser ses proches sur une carte). Le pouvoir de ces réseaux est immense, et la grande majorité des utilisateurs ne voient pas la partie immergée de l’iceberg.

Pour découvrir cet iceberg caché, un autre phénomène est apparu ces dernières semaines suite au doute qui plane sur Facebook quant à l’utilisation des données de ses utilisateurs. Des journalistes ont téléchargé leurs données personnelles via un onglet situé dans les paramètres du réseau social. Une initiative que beaucoup d’internautes ont entrepris. En quelques clics, vous pouvez obtenir toutes les données que Facebook conserve sur votre compte personnel. Dans “paramètres généraux du compte”, cliquez sur “téléchargez une copie de vos données”. Vous ne serez pas déçus. Vous retrouverez toutes vos conversations, les numéros de cartes de crédit que vous avez enregistrés, les vieilles photos et vidéos de vos soirées, les amis que vous avez supprimés. Vous trouverez des conversations datant de plusieurs années, des publicités sur lesquelles vous avez cliqué tout au long de votre utilisation de Facebook, des groupes que vous avez peut-être quittés. Bref, tout, absolument tout, est conservé par le géant américain.

200 000 Belges ont supprimé leur compte

Depuis maintenant trois mois, on observe un phénomène inédit dans l’histoire de Facebook en Belgique : les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à quitter le réseau social. D’après des analyses de Xavier Degraux, consultant en médias sociaux, 200 000 comptes ont été supprimés : “Ça peut paraître peu, mais c’est la première fois que cela arrive depuis la naissance de Facebook”, indique-t-il. “C’est tout à fait atypique, ça n’était jamais arrivé, un recul de l’utilisation de Facebook en Belgique depuis sa création“.

On ne saurait expliquer le pourquoi de ce phénomène. La lassitude ? Le changement récent d’algorithme ? La peur de voir ses données personnelles partagées ? Difficile à dire. Toutefois, ce scandale de Cambridge Analytica devrait probablement pousser d’autres utilisateurs à cliquer sur le bouton “Déconnexion” à tout jamais.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.