Les recrues transgenres moquées dans les médias thaïlandais


À l’approche de la conscription militaire annuelle, des membres des médias, du gouvernement et de la communauté LGBT se sont rassemblés, le 29 mars à Bangkok.
Ils ont discuté du traitement médiatique des potentielles recrues transidentitaires. En sont ressorties des directives visant à stopper les stéréotypes, moqueries et autres propos dégradants qui reviennent chaque année dans les médias thaïlandais.

Chaque mois d’avril, les moqueries recommencent. Les jeunes thaïlandais âgés de 21 ans se rendent à l’événement national. Ils piochent un ticket dans une urne. S’il est noir, ils rentrent chez eux, s’il est rouge, ils entrent dans l’armée pour au moins deux ans. Pour les médias, le tirage devient beaucoup plus amusant lorsque les femmes transgenres viennent à leur tour tirer le fameux ticket.

Les stéréotypes font les gros titres

Les journaux titrent sur des transgenres « plus mignonne que des “femmes réelles” », « des garçons qui ressemblent à des anges », « de beaux ladyboys ». Elles sont toujours décrites comme émotives et amusantes. Les clichés de ces femmes transgenres dans leur longue robe tape-à-l’œil au visage surmaquillé s’arrachent.

Ronnapoom Samakkeekarom, président de l’Alliance des transgenres thaïlandais et professeur à l’Université Thammasat dit, chaque année, recevoir un flot d’appels téléphoniques. Les jeunes transidentitaires s’inquiètent de la menace de l’enrôlement et cherchent des conseils pour éviter l’exposition médiatique. L’universitaire reçoit aussi de nombreuses plaintes concernant des moqueries et des propos humiliants diffusés dans les journaux. Certains vont même jusqu’à publier l’histoire de la personne et des photos sans son autorisation, alors même que la famille n’est pas toujours au courant de son identité de genre.

Suite à cela, le chercheur décide de débuter une enquête sur la représentation médiatique des femmes transgenres durant la période de la conscription militaire. Il collecte des articles et des images télévisées issus de 72 médias. Trois abordent les difficultés auxquelles sont confrontées ces personnes lors de l’enrôlement. Les 69 autres reflètent l’obsession des journalistes pour les jeunes recrues transidentitaires. Ronnapoom a présenté sa recherche lors des discussions du 29 mars, houspillant qu’« il est temps d’arrêter de traiter les gens comme une blague ».

Des ladyboys pour faire du chiffre

Le journaliste Sirote Klampaiboon explique au Bangkok Post que « les médias devraient les représenter juste comme elles sont, pas comment ils veulent qu’elles soient pour vendre leur histoire ». La compétition médiatique est un argument fréquemment employé par les journalistes. « J’utilise habituellement n’importe quelle histoire qui me garantit une audience et celles concernant des ladyboys sont toujours parmi les plus regardées », se défend Sak, un journaliste qui couvre la conscription depuis de nombreuses années.

Ce dernier considère que si les femmes transgenres s’habillent de façon aussi féminine à cette occasion, c’est qu’elles « demandent de l’attention et c’est ce qu’elles ont. » Sirote réagit en expliquant que peu importe comment elles s’habillent au quotidien, ce jour-là « elles doivent être sûres qu’elles éviteront d’être enrôlées en exhibant leur féminité. ». May, qui participe au recrutement, témoigne : « Je veux que les officiers militaires voient clairement que je ne suis pas compétente pour rejoindre l’armée. Je sais que je vais être moquée, je sais que les gens vont poster des photos de moi sur les réseaux sociaux. Mais je dois vivre cette honte, juste un jour [pour éviter l’armée]. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.