Sénégal : la maison de la presse à polémique

Construite avec pour but d’« offrir aux journalistes et aux techniciens de la communication un cadre de travail et d’épanouissement professionnel », la somptueuse maison de la presse du pays de la Teranga ne refuse pas le monde depuis l’ouverture de ses portes en novembre 2016. Ce, malgré la multitude de journalistes et hommes de médias qui foisonnent à Dakar.

Les journalistes et hommes de médias sénégalais réunis autour de leurs structures syndicales boycottent la maison de la presse qui leur a été érigée par l’État sénégalais. La Coordination des associations de la presse (CAP), qui rassemble ces syndicats, estime que la maison de la presse ne répond pas aux attentes des journalistes dans sa forme de gestion.

Les journalistes hostiles à leur « maison »

Au mois de février 2017, la CAP déclarait dans un communiqué que la maison de la presse, « revendication des acteurs de la presse qui a trouvé un écho favorable auprès de l’ancien président de la République Me Abdoulaye Wade », ne répond pas dans sa gestion actuelle à l’esprit participatif et inclusif de tous les acteurs des médias qui a prévalu à sa création. Selon elle, « l’actuel ministère de la Culture et de la Communication, du gouvernement actuel du président Macky Sall ndlr, a fait table rase de toutes les concertations en prenant des actes de manière unilatérale sans concertation avec les acteurs des médias ».

Bara N’diaye, persona non grata

L’épine dorsale du boycott des syndicats demeure la négation qu’elles ont de l’administrateur de la maison de la presse Bara N’diaye, nommé par le gouvernement en 2014. Ex-journaliste d’une ancienne chaîne de télévision, Canal Info News, ce dernier est un militant de l’Alliance pour la République (APR), parti du président Macky Sall. Les syndicats des journalistes du Sénégal avaient qualifié cette nomination de nomination politique, l’estimant aussi irrespectueuse des accords ayant prévalu à la création de l’institution. Ils ont aussi estimé que l’administrateur nommé était également peu expérimenté pour sa fonction. Ces positions creusent l’écart entre la vision de l’État sur le rôle et le caractère juridique d’une maison de la presse sénégalaise d’une part, et d’autre part, celle des journalistes, censés être bénéficiaires du joyau architectural qu’ils refusent d’habiter.

Le bras de fer continue

De son côté, Bara N’diaye, retorque que « près de trois ans après, cette critique, sur le manque d’expérience, semble avoir cédé la place à la politisation de l’institution. Le commentaire a beau être libre, mais les faits sont têtus ». L’administrateur controversé s’est ainsi exprimé à l’occasion d’une cérémonie de remise de clés aux associations et syndicats bénéficiaires de locaux de la maison de la presse. Cérémonie qui a été boycottée par les syndicats du CAP. « Ils peuvent passer les prendre (les clés) quand ils veulent. Nous n’allons pas nous attarder dans des combats d’arrière-garde », renchérit l’administrateur nommé, Bara N’diaye.

L’État sénégalais, mis en cause dans cette affaire ne s’est pas encore officiellement prononcé. Aucune action visant à résoudre cet imbroglio n’a non plus été posée. Les locaux de la maison de la presse, eux, non-officiellement occupés, demeurent problématiques.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.