Printemps hongrois, un souffle d’insurrection médiatique

Image CC BY-SA Julie Gaubert/Horizons médiatiques.

Une bourrasque contestataire s’abat sur la capitale hongroise depuis le début du mois d’avril, à la suite de l’adoption d’une loi menaçant la fermeture de l’Université d’Europe centrale (CEU) de Budapest. Le Premier ministre conservateur Viktor Orbán s’est engagé dans une bataille de communication, entre tentatives de désinformation et mépris envers ce bourgeonnant Magyar Tavasz (Printemps hongrois).

#istandwithCEU, en hongrois #aCEUvalvagyok est le mot d’ordre qui se répandait dans le milieu étudiant et intellectuel de Budapest début avril. Mais, au fil des semaines, c’est un mouvement anti-Orbán qui s’est lancé, à travers des manifestations pacifiques qui ont rassemblé entre 50 000 et 80 000 personnes selon la plupart des médias (Index.hu, 444.hu, DailyNewsHungary.com, HVG ou encore France Culture)… Mais beaucoup moins si l’on en croit les médias du gouvernement ! Il y a de quoi s’interroger en lisant la traduction du tabloïd Ripost.hurelayé par la chaîne nationale MTV, porte-parole télévisé du gouvernement au pouvoir : « par rapport à l’énergie investie, le nombre de personnes rassemblées était clairement décevant, bien loin de ce qui devait s’apparenter à une manifestation renversant l’ordre politique ».

Manipulation et désinformation

Entre le nombre très variable de bus affrétés pour que les « perturbateurs d’ordre » viennent manifester et des évocations de violence sans fondement appuyées par des images sous-titrées OccupyOktogon ! alors que l’ambiance ressemblait davantage au mouvement « Nuit debout » en France l’an dernier, le meilleur moyen de se tenir au courant était encore de se tourner vers les médias et pureplayers indépendants.

Cependant, même au sein de la rédaction pourtant très fiable du site Origo.hu, nombreux journalistes ont quitté la rédaction pour ne plus alimenter la propagande qu’ils desservaient depuis un changement récent de directeur de publication. L’une des principales raisons concerne des photos créditées au nom d’un photographe de la rédaction alors qu’elles avaient été remplacées au préalable par des vues prises depuis le siège du Fidesz, le gouvernement en place, au début d’un des rassemblements pour appuyer le nombre restreint de participants.

Quand les médias internationaux s’en mêlent

Face à ces contestations, Viktor Orbán comptait sur les fêtes de Pâques pour entrevoir une accalmie dans le mouvement, et en a profité pour étendre son paysage médiatique vers la Slovénie, en achetant 45 % du capital de la chaîne de télévision Nova24.tv. De nombreux éditorialistes ont alors dénoncé cette soif de pouvoir grandissante, à l’instar de Cas Mudde qui écrit dans la revue britannique The Guardian : « Orbán pense que la démocratie libérale n’a plus lieu d’être (…) dans sa lutte contre “l’argent, les médias, la gouvernance mondiale et une société globale ouverte”, il se sent renforcé par les nouveaux détenteurs de pouvoir au Royaume-Uni et aux États-Unis ». En attendant, son influence reste telle que pour espérer des financements, les médias hongrois se voient offrir le choix de fonctionner sous son bon vouloir, ou faire partie de l’opposition en se mettant sous la protection du milliardaire George Soros, bête noire du moment.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.