Suisse : l’Hebdo tire sa révérence

Logo du magazine L’Hebdo.

Le 3 février dernier est sorti le dernier numéro de L’Hebdo, magazine d’actualité emblématique de Suisse romande. Son éditeur, Ringier Axel Springer Media, a annoncé dans un communiqué le 23 janvier qu’il mettait un terme à cette publication pour des raisons financières.

« Il était bon pour la tête ». Le slogan de L’Hebdo s’affiche sur une couverture rouge. En haut, une bande noire, en signe de deuil. Fondé par Jacques Pilet en 1981 et sous la houlette d’Alain Jeannet depuis 2003, L’Hebdo s’était fait remarquer hors des frontières suisses en créant le Bondy Blog en 2005.

Placé à gauche et pro-Union européenne, il était aussi le seul news magazine de Suisse romande. En termes de lectorat, les derniers chiffres de l’Institut de recherches et études des médias publicitaires font état de 156 000 lecteurs. Abordant l’actualité politique et culturelle de la Suisse et du monde, c’est la réalisation de reportages et d’enquêtes au long cours qui a fait sa marque de fabrique.

Une question financière

Derrière ce portrait se cache pourtant une réalité économique difficile. Les résultats du magazine sont négatifs depuis 2002, et son nombre d’abonnés est passé de 40 000 à 10 000 en une dizaine d’années. Quant à ses revenus publicitaires, ils ont diminué de moitié depuis 2012.

En dépit d’un projet de renouveau porté par l’équipe du magazine depuis l’été dernier, ces facteurs ont convaincu Ringier de stopper L’Hebdo. Le groupe préfère en effet investir « dans des opérations offrant une perspective économique stable », en dépit d’un bénéfice solide de près de onze-millions de francs (dix millions et demi d’euros) sur l’année 2015.

Secousse en Romandie

La disparition de ce titre a fait réagir. Tout d’abord les syndicats médiatiques, à l’instar d’Impressum, qui parle « d’une perte incommensurable » et « d’une honte » concernant les licenciements prévus. Syndicom s’inquiète quant à lui des retombées sur « la diversité de la presse et le journalisme d’enquête » dans la région. Syndicats et public se sont d’ailleurs retrouvés à Lausanne le 2 février à l’occasion d’une manifestation de soutien. Une pétition pour sauver le magazine a aussi été créée et compte plus de 8 000 signataires.

En politique, l’inquiétude est variable. Si on a pu entendre l’appréhension chez Alberto Mocchi, président des Verts vaudois, d’autres ont accueilli la nouvelle avec entrain. Yann Perrin, de l’Union démocratique du centre, a communiqué sa satisfaction sur Facebook, soulignant que le Parti socialiste suisse et le Nouveau mouvement européen suisse « devront désormais payer leur propagande ».

Et maintenant ?

Toutes déclarations mises à part, la disparition du magazine entraine trente-sept licenciements dans la newsroom partagée avec Le Temps et dans les services administratifs de Lausanne. Si Ringier compte étudier les situations pour proposer des solutions alternatives, des licenciements purs restent inévitables.

Sur le long terme, l’éditeur compte investir le capital récupéré pour développer le quotidien Le Temps. Le 18 février prochain sortira par exemple le premier numéro du T, un supplément au journal du samedi. Il reprendra aussi Le Forum des 100, crée par L’Hebdo en 2005. Enfin, la situation actuelle a aussi remis en avant le débat sur le financement de la presse, un sujet délicat en Suisse, les journalistes ayant notamment rejeté une proposition du Parti socialiste en 2013.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.