Loi travail : l’impact des images

Les manifestations pour protester contre la loi travail, dite loi El Khomri se sont multipliées depuis quelques semaines en France. À la fin de chaque journée de protestation, les images de violence font le tour des télévisions de l’Hexagone. Des images très brèves, souvent dépourvues de contexte, qui ne sont pas toujours très utiles au débat…

Souvenez-vous. Le 28 avril dernier, les manifestants contre la loi travail battaient le pavé dans toute la France. Une mobilisation très importante, qui, comme souvent, a connu quelques débordements. Aux abords de la préfecture de Nantes, des manifestants incendient une voiture, de la marque Porsche. Des photographes et journalistes immortalisent la scène. Quelques heures plus tard, le mot «Porsche » est en Trending Topic sur Twitter, l’image est commentée partout et par tout le monde. Cet évènement relativement peu important a pris une dimension phénoménale, au point d’éclipser totalement certains autres aspects du problème soulevé par le mouvement de manifestation.

Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. À l’heure où la France connaît une importante période de troubles sur le plan politique et social, de nombreux évènements mineurs se retrouvent propulsés sur le devant de la scène médiatique. Les images les plus marquantes sont diffusées en boucle, disséquées, analysées, commentées… La violence, le spectaculaire sont ce qui est souvent retenu de ces manifestations. Ce qui pose une réelle question : Faut-il diffuser si largement ces images ? Faut-il s’attarder sur des détails plutôt que de considérer le problème dans son ensemble ?

La plupart des images violentes sont des extraits vidéo, tournés par des reporters, photographes ou amateurs. Lorsqu’elles sont diffusées à la télévision, elles sont souvent dénuées de tout contexte, et n’offrent qu’un aperçu instantané des faits. Impossible de savoir ce qu’il s’est passé avant, et après. Pourtant ces quelques secondes de vidéo sont analysées en continu. Certes les images violentes sont choquantes, et les médias, principalement les télévisions, retiennent logiquement ces images, qui sont les plus marquantes. Pour autant, n’est-il pas plus important d’évoquer le fond du conflit plutôt que de passer des heures d’antenne sur ces extraits ?  Les images violentes stimulent les émotions du téléspectateur, mais cela va-t-il l’aider à comprendre les enjeux de la situation ?

Dans une interview donnée au JDD, un CRS apporte un témoignage édifiant :  « Ici, on interpelle juste pour les images du 20 Heures, pour faire croire qu’il y a de la fermeté de la part du gouvernement. Une manifestation qui se passe bien, on parle du fond. Quand vous avez des casseurs, on se focalise sur les violences et les vitres cassées. Est-ce que le gouvernement est assez vicieux pour faire ça ? » Sans entrer dans l’hypothèse d’une manipulation politique, cet extrait montre bien que les images occupent une place beaucoup trop importante dans le débat autour de la Loi Travail.

Quelle est la solution ? Ne plus diffuser les images qui vont attirer l’œil du téléspectateur ? C’est impensable, et ce serait même suicidaire pour la chaîne qui prendrait ce risque. Non, il serait sans doute plus utile de relativiser l’importance de ces images, de tenter autant que possible de les recontextualiser, voire d’en diffuser moins si ces images n’apportent pas réellement au débat. Et de se concentrer sur les réels enjeux de la contestation sociale qui se fait entendre à travers la France.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.