Burkina Faso : les médias entre reportage d’initiative et de commande

Pendant le journal de la RTB2 Hauts-Bassins, de longues minutes sont consacrées à l’actualité institutionnelle du pays. Ce sont des comptes-rendus de séminaires, d’ateliers ou de conférences, payés par les organisateurs. Ces « sujets commandés » comme on les appelle, viennent « d’en haut », par opposition aux « sujets d’initiative ».

Les « reportages commandés », ce sont des demandes de couverture d’événements passées par des institutions, des associations, ou des partenaires. C’est-à-dire que les gens paient pour que leur événement passe dans le journal. Les tarifs varient selon le demandeur : une société d’État, une ONG,  une commune… Et aussi selon le média choisi : télévision ou radio. Une minute trente de reportage, ou plutôt de communication, qui coûte entre 50 000 et 375 000 francs CFA (entre 75 et 570 euros).

Les médias d’information deviennent alors des vecteurs de communication qui flirtent avec la publicité. Ces organisations paient pour être vues et reconnues. À la RTB, chaque reportage est diffusé deux fois sur deux jours consécutifs, sans subir de quelconque modification. Parfois plus, s’il est diffusé en français, en dioula, en mooré ou en fufuldé. Quel est l’intérêt de la population pour ce genre de reportage ? Pour le rédacteur en chef de Radio Bobo,  Draman Soh, « les sujets qui sont les plus appréciés des auditeurs, ce ne sont pas les demandes de couverture, ce sont les sujets d’initiative. C’est ce qui a trait au quotidien des populations : comment ils font pour s’approvisionner en eau, qu’est ce qui est fait à leur niveau compte tenu des difficultés qu’ils vivent… ». Mais ces préoccupations s’effacent souvent derrière l’intérêt économique que les médias ont dans la couverture de tels sujets.

Le journalisme face à sa déontologie

Les sujets commandés affaiblissent la liberté de parole des journalistes. Quelle est leur marge de manœuvre dans un tel contexte ? Comment mettre en doute la parole de quelqu’un qui contribue financièrement à la bonne marche du média pour lequel on travaille ? Jamais la frontière entre information et communication n’a été aussi poreuse.

Il est évident que les journalistes n’adoptent pas la même démarche lorsqu’ils couvrent ce genre d’événement. Ces reportages institutionnels sont des sujets qui les intéressent moins dans lesquels ils se sentent généralement moins impliqués et moins libres. D’autre part, il est difficile d’oublier la  complaisance qu’il est facile d’avoir pour ces mécènes.

Au Burkina, le secteur des médias n’est pas rentable. Bien qu’ayant un salaire au-dessus du minimum social, les journalistes ne sont pas bien payés. Ils gagnent entre 150 000 et 200 000 francs CFA, soit 230 à 300 € par mois. Nombreux sont ceux qui ont une seconde activité professionnelle : ils sont éleveurs, restaurateurs, épiciers, ou commerçants, ça leur permet d’arrondir leurs fins de mois.

Alors dans ce contexte, comment refuser un billet lancé en fin de mission ? D’autant plus que bien souvent, la façon dont il est donné ne fait pas directement allusion à la corruption, mais plutôt à une forme de gratification pour le journaliste, qu’on remercie de s’être déplacé pour couvrir l’événement. Laissant oublier que ces enjeux dépassent bien souvent celui du court instant où le billet est tendu.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.