En stage : « les réclamations »

Presque deux mois que je suis en stage à ION News, un pure player mauricien. En autonomie depuis quelque temps déjà, je commence à connaître le refrain des conférences de presse. À longueur de journée, nous recevons des coups de fil des multiples services de communication qui souhaitent s’assurer de notre présence. « Que l’on parle de moi en bien où l’en mal, l’important est que l’on parle de moi », disait Léon Zitrone, en voilà le parfait exemple.

Le 21 avril, je couvre une énième conférence de presse. Le sujet porte sur des tour-opérateurs qui s’élèvent contre certaines mesures prises en faveur des taxis d’hôtels. Les représentants de cinq associations font front commun pour faire entendre leurs voix. Une fois sur place, les organisateurs font le compte des différents médias présents. À tour de rôle, chaque confrère et moi-même nous présentons. Ah ! L’Express manque à l’appel. « On va patienter encore un peu », déclare monsieur L. Ce n’est pas la première fois qu’une conférence prend du retard. Souvent, c’est la présence de la télévision nationale qui déclare le commencement de l’évènement. On patiente, cinq, dix, quinze minutes, puis la conférence démarre enfin. Le déroulé habituel s’enchaîne, suivit des questions-réponses et des interviews individuelles. Une fois au bureau, je réalise donc mon reportage vidéo, qui, vérifié par la rédaction, paraît dans la foulée. Il est signé de mon nom, le tout accompagné d’un texte explicatif.

Le lendemain matin, la rédaction reçoit un appel. Une personne demande à me parler personnellement. Qui veut donc échanger à la jeune stagiaire récemment arrivée sur Maurice ? Surprise, je prends tout de même le combiné. Il se présente, il s’agit de l’un des intervenants d’hier. Je ne fais pas tout de suite le rapprochement, mais prétends le contraire. Il me reproche d’avoir occulté sa partie. Il n’est pas présent dans le sujet et souhaiterait comprendre pourquoi. Ébahie, je tente de rester professionnelle et explique un supposé choix éditorial. « Nous avons privilégié la cohérence afin de faciliter la compréhension du public ». Mon discours ne semble pas l’avoir convaincu, et son ton commence à monter. « Nous essayons de mettre l’ensemble des associations sur un pied d’égalité, votre choix donne l’impression que mon association n’est pas présente », déplore-t-il.

Toujours cordiale, je lui indique que les interventions étaient répétitives, mais que dans un souci d’équité, le texte s’est voulu être complémentaire en précisant l’ensemble des associations. Il insiste lourdement et se dit être mécontent. Face à cette conversation qui s’éternise, je suis désabusée et franchement agacée qu’un parfait inconnu tente de m’apprendre le métier. Je commence d’ailleurs à me sentir coincée. Après tout, là c’est l’image du média où je travaille qui est en jeu. Je joue donc la carte de la franchise et lui demande clairement ce qu’il attend de moi. Le sujet est déjà publié et je ne compte pas le modifier au bon vouloir des uns et des autres.

Devant l’insistance du représentant de l’association et mon entêtement, la secrétaire de rédaction à tenter d’aplanir la conversation. À son tour, elle tenta d’expliquer notre point de vue, mais vite exaspérée, elle lui raccrocha au nez. Aujourd’hui, j’ai appris à rester ferme sur mes positions. Après tout, journalisme et communication sont deux choses différentes.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.