« Panama papers » : l’enquête du Semanario Universidad

La Une de l'hebdomadaire Semanario Universidad pour leur édition spéciale "Panama papers" du 4 au 12 avril.
La Une de l’édition du Semanario Universidad
consacrée aux « Panama papers ».

Rares étaient les Costariciens sans l’édition du Semanario Unviersidad consacrée aux « Panama papers » sous le bras, à sa sortie le lundi 4 avril 2016. Le succès fut tel que les deux tirages de l’hebdomadaire n’ont pas suffi afin de contenter les lecteurs, et qu’il a fallu en faire circuler une version numérique sur les réseaux sociaux. Cet engouement est le fruit de cinq mois de travail acharné, sur la base de la plus grande fuite d’informations jamais exploitée par des médias.

Le Semanario Universidad appartient à l’Université du Costa Rica, la plus grande université d’Amérique centrale. Si elle traite essentiellement d’actualité nationale, le parcours de ses journalistes pèse de plus en plus sur sa ligne éditoriale. Ainsi le directeur de sa publication, Ernesto Rivera, la fait bénéficier de sa participation au Consortium international de journalistes d’investigation, l’ICIJ.

Après avoir travaillé sur les Swiss Leaks, le Semanario Universidad a pu accéder aux « Panama Papers » — la radio Nuestra voz est le seul autre média du Costa Rica à avoir obtenu le même privilège. Après avoir promis de ne divulguer aucune information, trois journalistes de la rédaction ont été mis dans la confidence et se sont mis à travailler sur les sujets liés au Costa Rica : Ernesto Rivera donc, mais aussi l’« éditeur d’investigation » Javier Córdoba, et la journaliste María Flores Estada.

Javier Córdoba nous témoigne de leur état d’esprit suite à cette annonce :

« À partir de ce moment, nous attendions de recevoir les bases de données. Une fois que nous avons pu nous connecter au site de la base de données ultra sécurisée, nous avons commencé à chercher des noms éminents au Costa Rica, des hommes politiques comme des chefs d’entreprises. Et nous avons commencé à cibler des noms très intéressants.  »

L’éditeur d’investigation poursuit, et nous explique comment s’est transformé leur quotidien au sein de la rédaction :

« Il a fallu chercher, lire des tonnes de documents, comprendre ce que nous lisions. Après deux mois, nous avons réquisitionné une salle de rédaction entièrement dédiée à ce travail d’investigation, on y a installé des ordinateurs et on travaillait tous les trois ensemble, afin de partager nos commentaires, nos trouvailles et les connaissances de chacun. On travaillait jour et nuit, jusqu’au dimanche.»

Au fil du temps, face à cette masse de travail, il a fallu incorporer plus de rédacteurs à l’enquête. La rédaction du Semanario Universidad compte 15 personnes : sept d’entre elles se sont consacrées au « Panama Papers ». « À l’approche de la date de publication », explique Javier Córdoba, « d’autres collègues se sont joints à nous pour nous aider à recueillir les réactions des personnes impliquées dans les “Panama Papers”. Deux semaines avant la date butoir, nous avons constaté que nous avions suffisamment de matière pour sortir une édition spéciale de 48 pages. »

Ce travail d’investigation a demandé énormément d’entraide et de coopération, un effort coordonné par l’ICIJ. Beaucoup de journalistes rêveraient de faire partie d’une telle entreprise, mais cela demande un certain courage. Javier Córdoba confie que :

« Le doute est constamment présent, et même si l’on nous traite de tous les noms, la plus-value de ce travail est de pouvoir compter sur des documents qui donnent un appui remarquable à l’enquête. À cela s’ajoute un mélange d’émotions entre la nervosité et l’adrénaline à force de courir de droite à gauche dans le but de respecter la date de publication. Et je crois que je n’ai toujours pas fini de m’émouvoir avec toutes ces retombées. »

Sans compter que la rédaction a été paralysée pendant cinq mois, au détriment peut-être d’autres sujets. Reste que le succès de cette édition spéciale montre que le jeu en valait la chandelle.

 

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.