L’information vient en rappant

JT rappé

 

Le « JT rappé » est une tendance émergente en Afrique de l’Ouest. Destiné aux jeunes avec son traitement de l’information décalé, amusant bien que sérieux dans sa réalisation, le modèle est né au Sénégal. Et c’est là-bas qu’il connaît son plus gros succès.

« Bienvenue installez-vous, on a des nouvelles pour vous. Ya des bonnes, ya des mauvaises mais ya des nouvelles pour vous » annonce Xuman en rappant. Pour la troisième saison consécutive, Xuman, 39 ans, et Keyti, 40 ans, deux rappeurs de la scène sénégalaise, proposent leur « JT rappé ». Lancée en avril 2013, l’émission a pour dessein de peindre un tableau hebdomadaire de l’actualité sénégalaise et mondiale… en rappant. Ils sont deux : le premier fait la version française et le second la version Wolof. Ils ont démarré sur YouTube et quelques semaines après, ils signaient un contrat avec la chaîne 2STV Sénégal. Aujourd’hui, au terme de leur troisième année ils comptent 13 000 abonnés sur Twitter, 23 000 sur leur chaîne YouTube pour 4 millions de vues. Chaque vidéo est vue entre 80 000 et 200 000 fois. Des statistiques qui n’ont rien d’hallucinant, mais qui deviennent conséquentes dans un pays où le taux de pénétration d’internet dépasse à peine les 50 %.

Dans une interview pour le site leral.net, Xuman explique qu’ils font du « JournArtisme », savant mélange entre artiste et journalisme. Leur travail journalistique est très professionnel : de la veille d’information, de la vérification, et de la sélection. « Je ne peux pas me prétendre journaliste, mais je pense que c’est important de donner de la bonne information. Aujourd’hui c’est facile d’ouvrir un site web, de se prétendre journaliste, mais il est plus difficile de trouver l’information juste à remettre à la bonne personne » déclare Xuman.

Ensuite, c’est le traitement qui diffère. Le duo ne cherche pas à être compétitif sur le temps, mais plutôt sur la qualité. L’objectif de l’émission, qui dure en moyenne huit minutes, est « de faire rire par son impertinence et d’intéresser les jeunes à l’actualité en leur proposant un traitement de l’information plus proche de celui du sénégalais lambda ». L’idée est bonne dans un pays où le rap domine la culture musicale. Cependant, au vu de plusieurs JT, il apparaît vite que l’exercice est assez incompatible avec l’impartialité. Les deux artistes n’hésitent pas à prendre parti comme l’affaire du sac à main du chanteur Wally Seck sur cette vidéo.

Un modèle à succès ?

Au Sénégal, le succès a été au rendez-vous pour cette formule. Leur idée a fait l’objet d’articles dans Jeune Afrique, et même dans Le Monde. Pourtant, Xuman et Keyti ont dû être aidés par une ONG, Open Society Initiative for West Africa, et peinent toujours à être rentables. « On a envie maintenant que le journal rappé soit une entreprise qui rapporte. Jusqu’à maintenant, on fait peur aux sponsors » expose Xuman. Il justifie cette crainte par le fait que le journal ne fasse pas de cadeau, « il attaque frontalement », ce qui peut déranger certaines chaînes. Malgré ces difficultés, les deux rappeurs se sont lancés dans le pari de l’exportation… avec plus ou moins de succès.

« La formule a été reprise notamment à Madagascar, en Ouganda, en Jamaïque… C’est assez récent » annonce Xuman avant d’ajouter que « le Journal rappé est devenu une marque de fabrique “Made In Sénégal” ». Ils ont lancé une chaîne en Côte-d’Ivoire il y a un an, et aujourd’hui c’est la Mauritanie qui est dans le viseur. Pourtant comme le relate Jeune Afrique, le succès des versions exportées est loin d’être égal à celui du Sénégal : « après une saison entière, la version ivoirienne n’a même pas 3 000 likes sur sa chaîne YouTube. Même constat pour Newz Beat, le JT rappé ougandais né en février 2014, qui ne dépasse pas les 300 likes. »

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.