Déontologie en Belgique : la guerre éclate entre deux journaux

À gauche, le procès-verbal de Nordpresse. À droite, la Une choc de La Meuse. Capture d’écran d’un article publié sur Nordpresse.

 

D’un côté Sudpresse, de l’autre Nordpresse. Le premier est un groupe et quotidien wallon, le deuxième une sorte de Gorafi belge. Et entre les deux, la guerre semble bel et bien déclarée. En cause : le manque de déontologie du quotidien qui a fait sortir de ses gonds le journal satirique.

Tout a commencé le 24 février avec cette Une de La Meuse, un titre du groupe Sudpresse : « invasion de migrants, la côte belge menacée ! » La veille, le gouvernement belge rétablissait un contrôle à la frontière française, par peur d’une arrivée trop importante de migrants sur son territoire. On peut dire que cette Une a fait grand bruit : 475 plaintes ont été déposées auprès du Conseil de déontologie journalistique (CDJ) contre le quotidien belge. Autre polémique : Sudpresse avait publié dans sa version papier un article donnant l’adresse du père d’un des kamikazes du Bataclan.

Un traitement de l’information peu éthique

Deux manques graves à la déontologie journalistique qui n’ont pas échappé à Nordpresse. Le journal satirique s’est empressé de publier un article sur son site stipulant l’endroit où habite la journaliste qui a écrit le papier polémique. Et le Gorafi belge en a aussi profité pour questionner le manque d’éthique de son rival :

« Quoi de mieux que de donner l’adresse du père d’un meurtrier dans un journal ? N’est-ce pas la quintessence du journalisme, la base du cours d’éthique ? »

Dans ce même article, le journal satirique a également tenu à rendre public le contenu d’un appel téléphonique que le fondateur de Nordpresse, Vincent Flibustier, a reçu du responsable liégeois de la rédaction de Sudpresse, Rodolphe Magis. On y entend ce dernier demander le retrait de l’article de Nordpresse contenant l’adresse de la journaliste incriminée, une demande à laquelle Vincent Flibustier s’oppose fermement.

Une plainte déposée

Peu de temps après, la rédaction de Nordpresse a confié avoir porté plainte contre son jumeau « pour cette Une qui incite doublement à la haine, d’abord en parlant d’invasion, comme s’il s’agissait de rats et pour l’article sur le père du Kamikaze du Bataclan qui donne l’adresse du magasin d’un innocent ». Le journal satirique a alors publié son procès-verbal, et incité ses lecteurs à déposer plainte contre Sudpresse. « Si vous avez du temps libre demain, nous vous invitons à faire de même en vous rendant à votre commissariat », peut-on lire sur l’article.

Le groupe Sudpresse n’en est pas à son premier dérapage. Le 10 janvier 2015, trois jours après les attentats de Charlie Hebdo, le journal titrait « Justice est faite », avec les photos des trois terroristes tués par les forces de l’ordre françaises. En dessous de chaque photo figurait la mention « Abattu ». En 2015, sur 51 plaintes déposées auprès du CDJ, 20 concernaient Sudpresse, contre seulement huit pour la chaîne RTBF et cinq pour RTL.

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Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.