« Je suis pigiste, mais pas précaire ! »

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Dans les rédactions, le recours à des journalistes pigistes est de plus en plus fréquent. Entre situation de précarité et d’indépendance, ces travailleurs sont au cœur de nombreuses stratégies des acteurs de la presse. État des lieux de ces pigistes, devenus des journalistes (presque) ordinaires.

Clémentine est journaliste pour la rédaction internet de RTL Info à Bruxelles depuis trois ans. Ses missions ? Rédiger, reprendre les dépêches, hiérarchiser les informations. La jeune femme a une carte de presse, les horaires et les attributions de ses collègues journalistes, mais un statut particulier. Comme 14 journalistes de RTL Info, Clémentine est pigiste.

Ce statut n’est pas nouveau. En fait, il a toujours existé. Mais aujourd’hui, il semble qu’il soit devenu un passage quasi obligé pour trouver sa place au sein d’une rédaction. Une étude de l’Observatoire des médias pointe du doigt cette tendance à la précarisation : en 2000, les CDI représentaient 65,8 % des premières demandes de cartes de presse. Aujourd’hui, ils n’en représentent que 34,5 %. Les difficultés auxquelles est confronté le secteur de la presse expliquent, en partie, cette « tendance à la précarisation ».

« J’aime mon statut de pigiste »

Par définition, un journaliste pigiste est une personne qui ne bénéficie pas du statut de salarié, mais du statut de travailleur indépendant. Il est rémunéré à la tâche de travail. Bien souvent, on associe le métier de pigiste à une situation précaire, difficile à vivre et dont de nombreux journalistes aimeraient se sortir. Depuis quelques années, les mobilisations de collectifs se multiplient. Leur but est clair : défendre les journalistes indépendants. C’est notamment le cas de la campagne intitulée « Pigistes, pas pigeons » lancée par l’Association des journalistes professionnels (AJP). De la même façon, un article écrit par un collectif de journalistes indépendants et publié dans Rue89 révèle la difficulté d’être pigiste aujourd’hui : « vous savez, quand on est pigiste, on est précaire. »

Mais Clémentine refuse que l’on associe son métier à une situation de précarité : « je suis pigiste, mais pas précaire ! » En effet, ses fréquentes collaborations lui permettent d’avoir un salaire relativement confortable. « J’aime mon statut de pigiste, car aujourd’hui, je suis libre. Et en tant que pigiste, j’ai vraiment un bon salaire », explique-t-elle. Au sein de la rédaction, tous n’ont pas le même nombre de piges. Pour ceux qui ont peu de jours de travail, ils exercent également pour un autre média au sein même de la rédaction de RTL, essentiellement en radio.

Qu’il soit un choix ou une obligation, le statut de pigiste pose pourtant de réels inconvénients. Des horaires difficiles, pas de congés payés ni d’assurance maladie. Et au final, aucune véritable stabilité : « je suis consciente que tout peut s’arrêter du jour au lendemain », affirme Clémentine.

« Nous sommes tous concernés »

Au sein de la rédaction internet de RTL, les pigistes sont deux fois plus nombreux que les journalistes. Ce statut, de plus en plus présent dans les rédactions, peut alors poser problème à des journalistes qui bénéficient pourtant d’un statut d’employé. Comme l’explique l’Association des journalistes pigistes dans son guide du pigiste, les employés peuvent « s’inquiéter de voir apparaître progressivement une “culture pigiste” qui se répercute sur leurs conditions de travail, notamment sur le niveau de leurs rémunérations. »

Pigistes ou non, tous semblent alors touchés par ces nouvelles collaborations. « Plus les journalistes rémunérés à la tâche seront exploités et plus les directions estimeront que les titulaires coûtent cher. Plus ces derniers seront donc menacés » écrit le Syndicat national des journalistes dans un communiqué.

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1 thought on “« Je suis pigiste, mais pas précaire ! »

  1. Bonjour

    Dans votre excellent article, vous écrivez que “Par définition, un journaliste pigiste est une personne qui ne bénéficie pas du statut de salarié, mais du statut de travailleur indépendant.” C’est faux et vrai: faux car dans l’hexagone, pour être pigiste avec une carte de presse, il faut un bulletin de salaire. Vrai car certains employeurs abusent du mot “piges” et ont recours à des “auto-entrepreneurs”. Sauf erreur de ma part, au contraire de la Belgique, en France, le journaliste indépendant ne peut prétendre à une carte de presse de journaliste professionnel.

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