El Español : quand la presse ibérique passe au numérique

capture d'écran de l'application
Captures d’écran de l’application d’El Español.

 

Dans le sillage de Pedro J. Ramirez et de son nouveau site d’information, El Español, la presse numérique prend de l’ampleur dans le paysage médiatique ibérique. Une évolution en forme de passation de pouvoir face à une presse sur papier à dominante conservatrice qui peine à se renouveler.

Pedro José Ramirez est un directeur comblé depuis le lancement d’El Español le 14 octobre dernier. Un an après son éviction du second quotidien national El Mundo, qu’il a fondé il y a 25 ans, le voilà à la tête d’un nouveau média en ligne qui fait énormément parler de lui en ce moment. Le site se veut proche des idées du parti de centre-droit Ciudadanos, dont le programme libéral séduit de plus en plus les jeunes Espagnols.

Les moyens de ses ambitions

À l’origine, le concept se nomme « No hace farta papel »  (« pas besoin de papier ») et considère internet comme un nouvel eldorado journalistique. Selon Pedro J. (prononcez “rota”), interrogé par le site d’information El Diario sur le sujet : « il y a quelques années, personne n’utilisait l’expression “presse papier” car toute la presse était publiée sous cette forme. Bientôt, personne ne parlera de “presse numérique” car toute la presse sera numérique. » Une prise de position sans appel, que son départ précipité d’El Mundo suite à des divergences éditoriales avec les actionnaires italiens du groupe n’a fait qu’accentuer.

L’objectif est donc de lever des fonds afin de développer un nouveau projet entièrement indépendant à l’égard des pouvoirs économiques et politiques en place. Car Ramirez le sait mieux que quiconque, les grands titres de presse doivent désormais faire face à la défiance des lecteurs à ce niveau-là et le web est encore un territoire vierge, propice à la pratique d’un journalisme d’enquête crédible et affranchi des puissances d’argent.

Heureusement pour lui, les 5,3 millions d’euros d’indemnités versés par El Mundo constituent un premier apport non négligeable. Auquel vient s’ajouter une campagne de crowdfunding ayant généré en moins de deux mois la somme record de 3,6 millions d’euros apportée par 5 624 « actionnaires ». Du jamais vu pour une entreprise médiatique. Une équipe de 72 journalistes est recrutée en vue du lancement, et le budget final culmine à 18 millions d’euros.

Interface innovante et modèle économique hybride

En ce qui concerne la forme : « El Español est le premier journal conçu pour des dispositifs mobiles. Il ne s’agit pas de reprendre le contenu d’un site web, ou d’alerter sur les dernières nouvelles. Il s’agit d’un journal avec sa hiérarchisation, ses scoops, ses rubriques et ses tribunes d’opinion. » explique Pedro Jota Ramirez, toujours sur El Diario. Dans les faits, l’application se décompose en quatre parties : un Rio (rivière) alimenté par des brèves quotidiennes ; un onglet « En Portada », proposant des articles gratuits ; une troisième rubrique consacrée à l’édition du jour, réservée aux abonnés ; et une dernière intitulée « Zona N » dédiée à des jeux-concours.

Pour tendre vers les objectifs initiaux, le site se doit de fonctionner sur un modèle économique viable à long terme. D’où le recours à la publicité et au sponsoring par le biais de cette « Zona N », en plus d’un système d’abonnement mis en place dès le mois de juin au tarif de 11 euros mensuels. Alors qu’un blog, lancé en guise de premier aperçu durant l’été, avait déjà attiré 10 000 abonnés, tout porte à croire qu’El Español continuera sur sa lancée au cours des prochains mois. Le site revendique une hausse de 34 % de ses visiteurs uniques entre décembre 2015 et janvier 2016, soit 3 455 079 usagers et son directeur table sur 50 000 abonnés dans les 3 ans à venir.

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