En Belgique, l’infotainment pose question

Imprim écran de l'émission "7 à la une".
Joëlle Milquet et André Antoine aux vœux du CHD. Capture d’écran de l’émission « 7 à la une ».

 

Enregistrer une conversation privée, ou faire un vote à main levée pour autoriser les caméras à filmer… Ces dernières semaines, l’infotainment, ce mélange d’information et de divertissement a provoqué un tollé dans le monde politique belge. Des événements qui questionnent non seulement l’intérêt journalistique de l’infotainment, mais aussi son acistence même.

L’histoire commence le 18 janvier, à l’occasion des vœux à la presse du parti Centre démocrate humaniste (CDH), dirigé par Benoît Lutgen. Un événement qui permet aux femmes et hommes politiques de rencontrer des journalistes. L’équipe de l’émission belge « Contrechamp » était présente, l’équivalent belge du « Petit Journal » de Canal+. Et, l’événement ne s’est pas exactement passé comme prévu. En témoignent les images diffusées dans « Contrechamp ».

Dans ce reportage, on y voit une Joëlle Milquet, ministre de l’Enseignement francophone en Belgique pour le moins surprise après qu’une journaliste a enregistré sa conversation avec le président de Wallonie, André Antoine. L’histoire se poursuit quand Benoit Lutgen, président du CDH, propose un vote à main levée pour autoriser ou non les caméras pendant le repas entre journalistes et politiques. Surprise : aucune main ne s’est levée.

« La presse a dépassé les limites »

Joëlle Milquet confie alors au quotidien Le Soir : « la presse a dépassé les limites », évoquant l’existence d’une « dérive généralisée » des médias. Et ce n’est pas la première fois que Joëlle Milquet s’emporte, puisque quelques jours plus tôt, elle avait dû répondre à un QCM dans une autre émission belge et avait contesté les chiffres de son propre ministère. Résultat : elle a suggéré « une réflexion globale sur des nouvelles règles de déontologie journalistique qui pourraient être analysées par Conseil supérieur de l’audiovisuel ». CSA qui ne l’a pas entendu de cette oreille, rappelant à la ministre de l’Enseignement qu’il était le seul organe à pouvoir contrôler la presse.

Néanmoins, le débat soulève des questions, le premier rôle de la presse restant d’informer. Le divertissement peut-il alors être inclus dans cette fonction d’information sans que cela mène à des dérives ? Une réflexion qui met aussi en doute le caractère informatif de certains passages diffusés par les émissions d’infotainment. D’un autre côté, peut-on interdire des caméras de filmer un repas censé incarner la transparence et la liberté de la presse, sous couvert d’un vote démocratique ?

Il est certes difficile de nier que les émissions d’infotainment fonctionnent sur le buzz, par le biais de phrases « choc » venant d’hommes et femmes politiques. Les journalistes ont alors vite fait de tomber dans le pur divertissement, laissant de côté leur fonction première de donneur d’information. Que dire par exemple de ceux qui enregistrent des conversations privées ? Jusqu’où peut-on aller pour informer ? La notion de divertissement intrinsèque à l’infotainment autorise-t-elle à repousser les limites d’obtention d’une information ? Et si oui, jusqu’où ?

Un débat qui est loin d’être clos donc, tant il est difficile de donner des réponses claires aux questions qui s’y rapportent. Mais, toutes les femmes et tous les hommes politiques n’ont pas été du même avis que la ministre de l’Enseignement. En réponse à la réaction de Joëlle Milquet, le ministre des Médias lui a rappelé « le droit à la transgression et le droit à choquer » de la presse.

Auteur

Horizons Médiatiques

Le monde raconté par les étudiant·es du Master Nouvelles Pratiques Journalistiques de l'Université Lumière Lyon 2.