La perpétuelle réinvention du journalisme au XXIe siècle tourne autour d’internet et des nouvelles technologies. Crisanthrope est un site journalistique en projet. Sa construction, sa ligne éditoriale, ses objectifs répondent à un format qui est dans l’ère du temps. L’occasion de réfléchir sur les tendances du journalisme d’avenir.
Capture du site Crisanthrope.
La version définitive du site Crisanthrope, qui se veut être « un nouveau média sur la Grèce », n’est pas encore lancée. Pourtant, sa mise en forme est déjà bien travaillée. La large photo de l’Acropole d’Athènes que l’on découvre sur la page d’accueil en dit déjà long sur la place accordée à l’image.
La photo qui raconte une histoire
Les nouveaux sites d’information accordent une grande importance à la place de l’image. Plus qu’une simple illustration, elle remplace parfois le titre, complète l’article ou donne une dimension esthétique à la mise en page. Communiquer uniquement par le truchement d’une image : c’est le choix qu’a fait 6 Mois, un bimensuel de reportage photo et son jeune homologue sur le web, World Photo Report. De même sur des sites récents comme Ijberg, Ulyces ou encore Le quatre heures, on retrouve une photo en accueil avant de descendre pour trouver le contenu. Elle occupe une place primordiale.
Tous les médias raffolent aussi du data-journalisme. Réunir des données et les traduire le plus souvent en infographie est une pratique de plus en plus courante. « Crisanthrope utilisera et perfectionnera les outils qui servent au suivi et à l’analyse des statistiques grecques et des statistiques sur la Grèce » a déjà annoncé le site. Cette dimension visuelle traduit une volonté de ces médias émergents d’utiliser un nouveau schéma narratif.
« Designer narratif de la réalité du monde »
Dans un article de Francetvinfo, Eric Scherer demande aux journalistes d’être les nouveaux « designers » de l’information. On parle d’un changement de mode de narration. Les éléments présentés précédemment font partie de cette mutation. Lorsqu’il parle d’une « totale immersion » ou de « suivre l’actualité grecque autrement », Crisanthrope s’inclut dans ces sites qui tentent de redéfinir les codes de la narration journalistique instaurés par le web. On sort de l’information en continu, on cherche des sujets qui ne font pas les gros titres et on les traite en immersion.
Il y a donc un paradoxe quant à l’évolution des médias sur internet. D’un côté les réseaux sociaux permettent d’avoir des informations diverses non-stop, et les chaînes d’information continue ont battu des records d’audience lors des attentats du 13 janvier. Conclusion : avec internet, la course à l’information a atteint son paroxysme. De l’autre côté, des nouveaux médias renouvellent l’offre narrative et visuelle. Crisanthrope est loin d’être le seul exemple. Les Jours, site d’information lancé par des anciens de Libération, ont réussi leur campagne de crowdfunding et vont traiter « des sujets que l’on agrippe et que l’on ne lâche plus même quand les autres médias s’en désintéressent ». De même 8e Etage, jeune média qui suit le même modèle économique à base d’abonnements, de dons et de récolte de fonds, a choisi de passer au-delà de la vague médiatique afin de regarder derrière l’écume.
On retrouve une mouvance commune chez les médias émergents qui cherchent à se distinguer des sites traditionnels par une nouvelle approche de l’actualité, un nouveau traitement de l’information et une autre manière d’utiliser les différents outils à leur disposition. Ils diffèrent aussi par un nouveau modèle économique libéré de la publicité, basé sur le crowdfunding et les abonnements (Crisanthrope vient de lancer sa campagne de dons) et justifié par une volonté d’indépendance. Cependant, au vu de la jeunesse de ces sites, il est encore impossible d’assurer la pérennité de ce modèle. Il s’agit encore d’un marché de niche.